Ces dernières années ont étés celles de la montée en puissance du jeu vidéo indépendant, aussi bien d'un point de vue économique, que médiatique. Une nouvelle voie est apparue auprès du grand public, proposant une alternative aux jeux dits classiques.

Le terme indépendant est donc devenu un mot commun de notre langage. Mais au final, qu'est-ce que c'est « être indépendant » ?

Un développeur n'est jamais tout à fait indépendant, on peut être dépendant d'un éditeur, d'un banquier, de nos économies ou de notre famille.
Il existe des degrés plus ou moins importants de dépendance, mais la véritable indépendance elle est assez rare.
On dépend toujours de quelque chose, il est du coup inexact de parler de jeux indépendants, très peu de jeux sont réellement indépendants au sens ou on l'entend.

L'indépendance a plusieurs facettes. Une facette économique, qui vient d'être évoquée, mais le terme indépendant peut aussi être abordé par sa facette créative.
De ce point de vue, créer un jeu indépendant, c'est créer un jeu sans contraintes, une création sans limites ou seule notre imagination est notre limite.
Mais là aussi c'est inexact, un créateur se limite forcément, que ce soit parce qu'il ne possède pas les capacités techniques nécessaires à la concrétisation d'une idée, ou simplement parce qu'il se limite. Il peut être dépendant des mœurs et de la morale de la société dans laquelle nous vivons.

Ce que l'on peut supposer, c'est que quelqu'un d'indépendant est quelqu'un qui prend ses propres décisions sans avoir à se référer à un hypothétique supérieur, ses décisions ne sont pas conditionnées par les autres, c'est lui qui en définitive aura le dernier mot. On ne peut pas lui imposer quelque chose.
Ce qui encore une fois est vrai et faux, puisque des contraintes financières peuvent conditionner certains choix.

On a vu ces dernières années la démocratisation et la banalisation du jeu indépendant auprès d'un certain public, auparavant habitué aux seules productions classiques du jeu vidéo.
Les jeux indépendants, ou jeux de garages, autrement cantonnés aux recoins de l'espace médiatique et économique du jeu vidéo ont rejoins les jeux dits classiques sur les consoles de jeux traditionnelles.
Braid, Castle Crashers ou Super Meat Boy ont rejoint la Xbox 360 grâce à l'arrivée de la dématérialisation et de plateformes comme le Xbla ou le PSN.

C'est une des principales forces du jeu vidéo, et du dématérialisé en général. Le dématérialisé permet à n'importe quel jeu d'atteindre un public extrêmement large.
Prenons l'exemple du cinéma, dans ce média, un très petit nombre de films dits indépendants parviennent à rejoindre les salles de cinéma, et quand ils y parviennent, ils ne sont que dans une infime partie du parc de cinéma français existant.
La situation est ainsi différente dans le média jeu vidéo. Si un jeu indépendant accède au XBLA, il accède alors de fait à toutes les consoles distribuées par Microsoft, et on parle ici de plus de 60 millions de machines distribuées à travers le monde.

Il s'est donc créé un rapprochement entre jeux AAA et jeux indés, puisqu'ils se sont retrouvés sur les mêmes plateformes, au même moment.
Mais ce qui est intéressant, c'est que sur Xbox 360 et PS3, le jeu indépendant a rejoint les jeux dits classiques, sans vraiment les rejoindre.
Il existe toujours une distinction, une cloison entre jeux indés et jeux classiques, bien qu'ils soient sur la même console, ils sont dans des rubriques différentes, Xbla, Jeux à la demande et Xbox live inde games.

Le terme indépendant dans le jeu vidéo est en train de devenir un terme revendicateur, identitaire, il devient une manière d'exister, de se positionner face aux jeux AAA.
Mais est-il nécessaire de faire une distinction entre jeux indépendants et jeux « dépendants » ?

Si l'on cherche à séparer les jeux indépendants des jeux dépendants, on en vient à se poser des questions ridicules voir aberrantes :
Journey est-il un jeu indépendant puisqu'il est édité par Sony ?
Left 4 dead, Half life et portal sont ils des jeux indépendants puisque valve ne possède pas d'éditeur ?
Epic Games est-elle une entreprise indépendante, puisque son financement vient de la commercialisation de son moteur ?
Bastion est-il un jeu indépendant puisqu'il est édité par Warner ?
Ou encore plus invraisemblable :
Il n'existe pas de jeux indépendants sur le XBLA puisque les jeux ont besoin d'un éditeur pour rejoindre ce canal de diffusion.

Le terme indépendant est trop souvent utilisé comme une simple étiquette, et d'ailleurs, une plateforme de diffusion comme Steam ne fait pas une telle distinction entre jeux indépendants, jeux dépendants, et AAA.
Est disponible sur Steam un grand nombre de jeux aux gammes de prix différent.
La seul distinction existante sur steam provient de la catégorisation par Steam de l'indépendant comme un genre, existant au même titre que le genre action ou aventure.
Mais cette catégorisation reste bien moins importante que celle existant sur des plateformes comme la Xbox 360 ou la PS3.

Le jeu indépendant en temps que genre, ou aspiration idéologique.

Au fil du temps est apparu la classification indie, qui se veut être différente du terme indépendant.
Si le terme indépendant peut être pris au premier degré, le mot indie lui est plus diffus, plus vaporeux.
Un jeu indie ne serait donc plus un jeu indépendant financièrement, mais plutôt un jeu indépendant d'un point de vue créatif.
Un jeu indie se démarquerait donc des autres productions vidéoludiques, en proposant une alternative, une autre voie, une autre manière de faire.
Les jeux indie seraient donc des jeux qui veulent aller plus loin, qui ne considère pas le jeu vidéo comme un simple produit culturel, mais comme un véritable moyen d'expression, voir comme un art.
Le terme indie, est une manière de voir et de concevoir les jeux vidéo, il ne s'arrête pas à des considérations matérielles, comme la présence ou non d'un éditeur ou d'un distributeur.
N'importe qui peut en théorie se revendiquer d'être indie.

Pour Jonhatan Blow, un jeu indépendant est un jeu qui n'est pas lissé, il correspond à la personnalité de ses créateurs et possède des bosses, des aspérités, et des coins tranchants, en opposition aux jeux mainstream qui eux sont lissés le plus possible afin de ne pas heurter le public, la personnalité et la spécificité des développeurs s'efface alors afin de pouvoir enfermer le jeu dans un moule.

Indépendant ou Indie, est-ce un genre, une idéologie, ou autre chose encore, difficile de le dire.

Les jeux indépendants ou indie possèdent leurs propres spécificités, leur propre vision du jeu vidéo, vient alors la question suivante :

Doit-on cloisonner les jeux indépendants, les différencier afin de cultiver leur différence et leur spécificité, ou doit-on au contraire les assimiler et les banaliser en les faisant coexister avec l'ensemble de la production vidéoludique ?

Henri Langlois avait comme précepte que tous les films sont égaux.

Peut-être qu'à notre tour, nous devrions accepter que tous les jeux le sont aussi.



Article originellement publié sur Numerigames.com