Oh purée, paye ta question ! J'aurai bien envie de vous dire de foncer sur Steam claquer vos deniers, mais malheureusement, je me suis engagé à écrire quelque chose d'assez bourrin. D'un autre côté, je m'attaque tout simplement à mon jeu favori, celui qui depuis 2005 n'a jamais été inquiété par qui que ce soit. Bioshock a bien tenté de le renverser en 2007, mais le bougre est resté solidement accroché au sommet de mon top 5. Pourtant, quand j'y repense, j'avais pris ce jeu complètement au hasard et voilà qu'aujourd'hui je lui voue un véritable culte. C'est d'ailleurs grâce à ce jeu que j'ai découvert Tim Schafer et de fil en aiguille : Full Throttle, Grim Fandango, Day of the Tentacle et Monkey Island. Il a donc changé beaucoup de choses pour moi et je pense que tout joueur se doit de tenter l'expérience.

 

Juste comme ça...

Là je fais genre le mec qui fait découvrir des trucs trop pas mainstream, mais même si le jeu a fait un relatif flop à sa sortie, il bénéficie aujourd'hui d'une certaine réputation. D'une part grâce à la communauté de fan et d'autre part grâce à sa mise en avant sur Steam (soldes, je te hais). Psychonauts est donc devenu rentable depuis peu (400 000 ventes je crois), tandis que Schafer (ou d'autre) ne cache pas son envie d'en faire une suite. C'est un peu la définition d'une oeuvre culte en fait : "mal aimée" à sa sortie et réhabilité par la suite. Beyond Good and Evil, je t'aime.

Au démarrage du jeu, Raz se permet tout simplement de rentrer dans notre cerveau. Une jolie métaphore je trouve.

 

A Link to the Past

On va parler ici du gameplay, qui serait (si on chipote) le seul reproche que l'on pourrait faire au jeu. Car en soi, Psychonauts n'est qu'un banal jeu d'aventure/plateforme qui puise en grande partie du côté de la série Zelda. Un hub central (le camp du Roc qui Murmure), de l'exploration, des morceaux de coeur à récupérer, un côté jeu de rôle, Psychonauts n'invente rien, mais réussi à recycler de belle manière les schémas de la série de Nintendo. On acquiert au fur et à mesure des capacités qui nous permettront d'explorer de plus en plus le camp pour y dénicher de nouvelles améliorations et aussi pas mal de secrets. Libre à vous donc de passer du temps à faire les à-côtés ou pas (hérésie).

 Ford Cruller, le concierge, nous aide tout au long de l'aventure à la manière de Navi dans Zelda : Ocarina of Time. Mais sous ses airs de vieux timbré, il est en fait beaucoup plus important qu'il n'y parait....

Mais là où le jeu brille, c'est sur sa capacité à inclure l'essence même des jeux d'aventures de l'époque Lucas Art dans le gameplay. Je vous rappelle que Tim Shaffer a passé une grande partie de sa vie à écrire des dialogues absurdes, des énigmes tordues et imaginer des utilisations d'objets qui le sont tout autant. C'est donc tout naturellement que l'on retrouve ce feeling dans le jeu. On peut discuter avec les personnages via plusieurs choix de réponses, tester des objets sur l'environnement juste pour "voir ce que ça fait". Si bien qu'il serait presque criminel de jouer à Psychonauts sans ce petit grain de folie qui vous pousse à "cliquer" partout, tester des combinaisons et écouter toutes les lignes de dialogues. Mais au-delà de ces petits plaisirs optionnels, le jeu va sporadiquement faire quelques références aux point'n click d'antan par le biais de petite énigmes ou combinaisons d'objet, mais également avec le désormais traditionnel : "Hey ! Look ! A three-headed monkey !".

 

Un jeu original. Nan, mais vraiment quoi...

Là, je vais essayer de me concentrer sur le design général et l'univers du jeu. C'est complètement personnel, mais je trouve que le jeu vidéo à du mal à sortir de certains stéréotypes (héros badass, heroic fantasy, guerre, SF, univers sombres et sérieux). Alors, quand j'ai vu Psychonauts la première fois, avec ses personnages aux tronches pas possible et son pitch tellement génial qu'on se demande pourquoi ça n'avait jamais été fait avant, j'étais forcément sous le charme. Moi, on me dit : "t'es dans une école d'agent psy qui ont pour but de rentrer dans la tête des gens", je réponds : "va-y, fais péter !".

La légende veut que le lac Oblongata abrite un monstre terrifiant. Mais la réalité est bien plus surprenante...

Et puis arrive le design à la fois mignon et dérangeant. C'est coloré (ce qui se fait de plus en plus rare), bourré de détails, artistiquement magnifique (chacun ses goûts après) et à la fois complètement difforme et bizarre. Prenons Raz par exemple. On ne peut pas dire que ce soit le personnage de jeu le plus classe de tous les temps avec sa peau jaunâtre, ses membres rachitiques et sa petite taille, mais la magie opère. Car quand certains titres galèrent pour rendre ne serait-ce qu'un personnage attachant et unique, Psychonauts réussi à nous balancer une belle brochette de personnages qui ont chacun leur personnalité, leurs mimiques et même leur histoire et blessures personnelles. Si bien que l'on retrouve vraiment la sensation d'être à l'école, avec ses têtes de turc, l'intello, celui qui emmerde tout le monde, mais aussi les rumeurs, les légendes, les cours, les professeurs. Tout ce petit monde s'articule de manière quasi-parfaite et mine de rien, ce n'est pas si courant.

 

Laisse-moi rentrer dans ta tête avec une porte magique, je te dirai qui tu es.

On va commencer à rentrer dans ce qui constitue le génie du titre : le level design. En effet, chaque esprit (niveau) est l'occasion de rentrer dans un monde complètement différent. Ce qui se traduit à l'écran par un changement  d'ambiance graphique, mais aussi une modification plus ou moins importante des mécaniques de jeu. Par exemple, il y a un professeur (Sacha Nein), qui semble être très sérieux, organisé et bien son esprit est tout simplement représenté par un cube. Le niveau est donc au départ complètement vide, puis ce dernier va se laisser aller à quelques souvenirs qui modéliseront des pans de niveaux. Plus tard dans le jeu, nous rentrerons dans l'esprit d'un mec qui se prend pour Napoléon, ce qui nous plongera dans un jeu de plateau où il faudra recruter des troupes pour vaincre l'adversaire. On n'est donc toujours surpris par les trouvailles visuelles et les idées de gameplay qui collent toujours parfaitement à la personnalité de la personne "visité".

Dans ce niveau, le style graphique change complètement. Nous sommes en effet dans l'esprit d'un peintre espagnol en plein chagrin d'amour.

Nous en reparlerons plus tard, mais à chaque niveau correspond une ambiance unique au niveau de la musique, mais également du level design. La professeur de lévitation, Milla Vodello, est par exemple une femme au look assez disco et qui aime s'amuser. Tout le niveau repose donc sur les couleurs, le mouvement, la fête. A contrario, l'esprit du laitier est lui rongé par la peur et la folie. C'est certainement le niveau le plus connu et apprécié du jeu. Et pour cause, pas mal de gens s'accordent à dire que c'est certainement l'un des level design les plus réussis du jeu vidéo.

Boyd Cooper est un paranoïaque obsédée par le complot et l'idée qu'il est constamment observé. De plus, il est hanté par son alter-ego : le laitier. Bon en gros : il est complètement taré. En résulte un niveau hallucinant, où plus rien n'a de sens, que ce soit au niveau de l'espace ou encore des dialogues (pour info, les lignes de dialogue de Boyd sont construite de manière aléatoire en utilisant des mots au hasard). A vous donc de vous frayer un chemin à l'aide de plusieurs accessoires qui vous permettront de passer outre les agents du gouvernements. Que les choses soient claires, ce niveau justifie à lui seul l'achat de ce jeu.

 

Un jeu qui cache bien le sien

Comme disait un philosophe célèbre de TF1 : "méfiez-vous des apparences". Et Psychonauts tourne constamment autour de cette thématique. Ne vous fiez pas aux graphismes mignons du jeu, car c'est certainement le titre le plus adulte auquel j'ai joué. Souvenirs refoulés, mort, inconscient, déchéance, remords, préjugés, j'ai rarement vu un jeu aborder des thèmes aussi forts de manière aussi subtile. Je prends toujours cet exemple qui m'a marqué et qui illustre bien un des thémes principaux du jeu : le traumatisme. Il faut savoir que chaque personnage du jeu a un souvenir refoulé que l'on découvre en explorant son esprit. Pour cela, il faut trouver des bagages émotionnels (au sens propre) et trouver des coffres renfermant le passé enfoui de la personne. Donc pour revenir à mon exemple, je voulais parler de l'agent Vodello (la prof de lévitation). Et bien lorsque que l'on explore son esprit festif, il suffit de fouiller un peu pour découvrir une pièce cachée. La musique disco commence alors à disparaitre au loin. Il y a un coffre à jouets et c'est en sautant à l'intérieur que l'on découvre une pièce en feu où retentissent des cris d'enfants qui disent : "Pourquoi tu nous as laissé mourir ?", "ça brule ", "tu nous as abandonnée". On découvrira en fait plus tard que Vodello était responsable d'un orphelinat et qu'en revenant d'une course, elle retrouva ce dernier en feu. Les enfants avaient tous brulé. Sympa.

Le monstre terrifiant n'est pas celui que l'on croit dans ce remake inversé des kaijū eiga (films de monstre japonais)

Une autre idée intéressante est que Raz est certes un Psychonauts, mais au-delà de ça c'est un psychanalyste. Son but est toujours d'aller chercher le traumatisme de ses patients pour les "débloquer". Mais un psychanalyste ne doit-il pas d'abord être en paix avec ses propres problèmes avant de pourvoir guérir ceux des autres ? Bien sûr que si. D'ailleurs Raz ne deviendra Psychonauts qu'après avoir réglé son propre traumatisme. Au début du jeu, on apprend qu'il a fuit sa famille car personne ne comprenait son désir de devenir un soldat psychique. On nous dépeint alors un père autoritaire, tyrannique, détestant les psychiques et souhaitant seulement que son fils rejoignent la troupe de cirque familiale. L'image mentale que Raz a de son père est donc négative et ne correspond en réalité pas du tout à ce qu'il est. C'est que l'on apprend à la fin lorsque son père débarque dans son esprit et voit avec stupeur comment son fils le perçoit. Son père est en fait un agent psy de renom qui voulait simplement protéger son fils.

Lors de la scène finale, il est également question du père du grand méchant du jeu : Oléander. Ce dernier est un militaire qui se fait passer pour un dur à cuir et qui compte bien dominer le monde en créant un char contrôlé par des cerveaux. Mais derrière cette coquille se cache un passé douloureux. Son père, boucher, tuait ses lapins blancs lorsqu'il était enfant. De la même façon l'agent Nein malgré le fait qu'il veuille tout contrôler, a perdu sa mère enfant et a donc développé ses pouvoirs psy pour un jour lire la vérité dans l'esprit de son père. Bien mal lui en a prit puisqu'il est tombé sur des souvenirs disons "torrides" de son père et de sa mère. Pas besoin de vous faire un dessin, ça l'a un peu traumatisé le gamin. Nein est donc devenu un agent envahi de censeurs qui sont là pour empêcher les idées malvenues d'apparaitre. Les censeurs sont les ennemis récurrents du jeu. Ils représentent ce réflexe visant à censurer tout ce qui n'est pas acceptable pour l'hôte. Raz est donc, en son état de psychanalyste de l'extrême, la première cible de ces créatures.

Jasper Rolls est un critique qui se bat à l'aide de stylos balançant des adjectifs négatifs. Il a pour but de tuer Gloria Von Gouton, une actrice bipolaire.

Bref, vous avez compris que tout a été pensé et réfléchi. Je ne vais pas tout vous raconter, car le jeu regorge d'idées et d'éclairs de génie de ce genre. Chaque esprit nous raconte une petite histoire qui s'intègre parfaitement au scénario. Un scénario qui mélange à merveille l'humour de Schafer et l'intégration des éléments narratifs au sein du jeu. L'histoire prend vraiment de l'ampleur au fil des heures et les révélations sont nombreuses.

Lorsque les enfants du camp seront lobotomisé, il ne cesseront de dire "télé" comme des zombis. Jolie...

 

Des larmes aux rires

Enfin bon, Psychonauts c'est avant tout de l'humour. Cela peut paraître con, mais le jeu est drôle. Je dirais même qu'avec Portal 2, c'est le jeu le plus drôle que je connaisse. Car ici l'écriture de Tim Schafer vient s'ajouter aux doublages et aux mimiques. Ceux qui ont joué aux jeux que j'ai cité au début le savent bien, le bougre sait s'y prendre quand il s'agit de faire marrer le joueur. La relation amoureuse entre Raz et Lili Zanotto est par exemple très amusante à suivre. Au niveau des personnages, j'ai un petit faible pour le mec qui se prend pour Napoléon (Fred Bonaparte). Ce dernier joue à un jeu de plateau et perd toutes ses batailles. Quand on parle avec lui (en VO), il se met à parler avec un accent français absolument irrésistible. Français, qui en prennent gentiment pour leurs grade lorsque l'on  rentre dans son esprit (Waterloo World).

Dogen a un potentiel comique assez énorme. A la fois un peu nunuche et psychopathe (il fait exploser les têtes par accident), c'est un des personnages secondaires les plus attachant.

Mais comme je le disais plus haut, une grande partie de l'humour du jeu est disséminé par petites touches aux quatre coins du jeu. On peut donc passer à côté de 50% des blagues si on ne prend pas le temps de fouiner. Je ne saurais trop vous conseiller de tester vos pouvoirs psy un peu partout (la clairvoyance notamment) et de revenir régulièrement dans certains lieux, car le camp évolue au fil de l'histoire. A noter que la VF est de très bonne facture et permet surtout de saisir facilement toutes les vannes.

 

Et cette musique dans ma tête !


On la doit à Peter McConell qui bosse avec Schafer depuis un sacré bout de temps puisqu'il est arrivé à l'époque du deuxième Monkey Island (1991). Depuis, on lui doit la musique de Day of the Tentacle, Sam and Max : Hit the Road, Full Throttle, Grim Fandango, des jeux Star Wars ou plus récemment de Brütal Legend. Un gars fidèle quoi. Sa musique a toujours une patte particulière et apporte énormément de cachet aux ambiances.

Dans Psychonauts, elle est tantôt calme et inquiétante tantôt enjouée et folle. Moi qui ne suis pas un adepte des OST, il m'arrive d'écouter celle de Sam and Max ou de Psychonauts juste pour le plaisir. Ca part dans tous les sens, c'est complètement barré et je suis toujours scié de voir à quel point les morceaux collent à merveille aux délires de Schafer. Psychonauts c'est donc aussi une musique inséparable du jeu. Une tuerie quoi. Pour ceux que ça intéresse, on peut trouver les OST en dur ou sur Steam.

 

Quand Raz se tape l'incruste ailleurs...

Iron Brigade (2012) : on peut débloquer le costume de Raz.

Brütal Legend (2009) : on peut tailler le visage de Raz sur un Mont Rushmore-like.

Alice : Madness Return (2011) : on peut croiser le squelette de Raz au détour d'une grotte.

 

Et maintenant, parce que je ne suis que bonté, je vous propose de gagner un exemplaire PC du jeu (le mien en plus). Pour cela, balancez-moi juste le meilleur jeu auquel vous avez joué. Ensuite, je choisirai de manière totalement arbitraire un(e) gagnant(e).