Comme
beaucoup d'autres pionniers du jeu vidéo Eric Chahi ne s'était pas
engagé dans cette voie par ses études. Il gaspillait justement tout
son temps à programmer sur ses premières machines, le SX81 et l'Oric
1. Autodidacte complet, comme il le précise plusieurs fois dans ses
interviews, il se forme sur le tas et à force de travail. Un peu
comme l'explorateur fait son chemin à la machette. Homme à tout
faire dans la pure tradition du « garage game », Éric
s'occupe de la programmation, mais aussi des graphismes, de
l'animation, de la mise en scène, du level design... Bref, tout ce
qui fait un jeu vidéo. Évidement on ne peut pas parler de chef
d'oeuvre avec les premiers jeux sur Oric (Frog, Carnaval...). Le
premier jeu qui remportera un succès notable sera « Les
voyageurs du temps
». Un point and click sur lequel il aura
oeuvré principalement en qualité de graphiste.

Tous
ces travaux vont lui permettre d'affirmer son talent, sa technique et
de développer sa fibre artistique évidente. Il s'imprègne de
toute sa culture de l'époque et de ce qu'il aime (Star Wars,Dragon's Lair, Retour vers le futur, Dragonball) pour élaborer son
projet Another World. C'est d'ailleurs en voyant comment Dragon's
Lair
a pu être adapté sur Amiga que Chahi réalise qu'il peut mener
à bien son projet de jeu cinématographique.

Another World

Techniquement le jeu
est révolutionnaire. Il utilise une technique de rendu vectorielle
qui donne au jeu son aspect si caractéristique. Cette technique
associée à du motion capture (ou plutôt du rotoscoping, qui s'en
approche) qu'il effectue lui
même, donne un résultat stupéfiant. L'animation est extrêmement
réaliste, fluide et riche pour l'époque et le support. Seul bémol,
une durée de vie un peu courte. Carence réparée quelques temps
plus tard, puisqu'un niveau sera ajouté. Mais le jeu possède une
approche très originale. Éric veut raconter une histoire et
ressentir des émotions dans un jeu. Le score, la performance ludique
ne l'intéresse pas. Une approche qui fait penser au bien plus récentHeavy Rain (dans son concept, pas dans sa forme bien entendu). Lester
(le héros) c'est une part de Chahi. Il est d'ailleurs quasi seul à
travailler sur Another World pendant deux ans ! Je vous laisse découvrir Another World et son making of au travers de ces quelques vidéos. Si
vous voulez découvrir le jeu ou le redécouvrir, il est disponible en version haute définition ici.

Pendant
qu'Interplay développe une suite à Another World, Chahi se
concentre sur son nouveau projet, Heart of Darkness. Un
développement compliqué verra la durée de gestation se prolonger
bien au delà des prévisions. Du coup, lorsque le jeu sort, il a
déjà du retard sur la concurrence et des principes de jeu qui
commencent à dater. Avec des graphismes largement plus dessin animé,
le jeu garde des concepts de gameplay utilisés dans Another World.
L'accueil est mitigé. Le jeu dispose cependant d'une véritable âme
grâce à une belle direction artistique. La musique, par exemple, est
interprétée par un orchestre philharmonique (merci le CD-ROM).
C'est en partie ce qui le sauve. Mais le créatif est déçu et
décide de s'éloigner du monde du jeu vidéo.

From Dust

Un
mal pour un bien, puisque le monsieur en profite pour développer ses
talents artistiques. Peinture, musique, théâtre mais surtout
photographie, avec une passion affichée pour les volcans. Il fait son
retour vidéoludique avec un nouveau projet qui lui ressemble. Ou
plutôt qui ressemble probablement à ce qu'il a développé pendant
ce congé sabbatique du jeu vidéo. Les premières images de From
Dust
montrent clairement des volcans et une préoccupation marquée
pour la nature et les interactions qui vont la caractériser. A ce
stade du développement, From Dust semble être un god game qui
mélange du Populous (pour l'aspect terraformation) et du Black and
White
(pour la gestion dynamique des interactions entre les actes du
joueur et les conséquences que cela entraîne). From Dust est un jeu
très attendu, puisque cela fait longtemps que ce type de jeu n'est
plus arrivé sur nos écrans et qu'il marque également le grand
retour d'un créateur de légende aux affaires.

La
chose qui me frappe lorsque je regarde toutes les interviews d'Eric
Chahi, c'est cette éternelle expression de sourire, de malice qui
émane de son visage. Des yeux qui rient et qui semblent s'amuser de
tout et pétiller de vie. Il doit certainement avoir des jours sans,
mais il émane d'Éric Chahi une sympathie, une fraîcheur et une
humilité que je vois rarement. On le retrouve encore avec cette interview de GameBlog.

Décidément,
Éric j'aime beaucoup comme prénom.

Si vous voulez retrouver l'actu d'Eric Chahi n'hésitez pas à faire un tour sur son site officiel.

Cet article est issu du Blog Parallaxe