Difficulté et durée de vie en chute libre, jeux couloirs ultra-scriptés, scénario sans originalité... facile, tout est de la faute des "casuals", de la volonté des éditeurs de plaire au grand public. L'argument n'est pas nouveau et a servi pour tous les secteurs touchés par l'industrialisation et donc le marketing. Pour ce qui est du jeux vidéos, les coûts de développement ayant littéralement explosé, peut-on blâmer les éditeurs de vouloir toucher le public le plus large possible ? Oui, c'est devenu un business (et en vérité ça l'a toujours été), et c'est aussi grâce à cela que les valeurs de production ont autant augmentées ; on ne produit pas un jeu comme FFXIII, mobilisant des centaines de personnes durant plusieurs années, pour un marché de quelques centaines de milliers de joueurs.

La crainte peut alors être que, justement, les blockbusters ne disparaissent ; pourquoi suer sang et eau pour produire un Uncharted 2 alors qu'on peut développer vite fait bien fait un jeu 3DS qu'on vendra infiniment mieux ? Tout d'abord parce que développer un jeu "casual" n'est pas si facile, et que les problématiques en sont différentes. On n'est pas dans la logique où qui peut le plus peut le moins, ce n'est pas parce que l'on sait faire un Call of Duty qu'on saura faire un Angry Birds. Certains développeurs continueront à développer pour les "gamers" pour la bonne raison que c'est ce qu'ils savent faire.

Mais encore faut-il avoir l'argent pour le faire. Et si les éditeurs ne suivent plus ? Le facteur du prix de vente devient alors déterminant. La popularisation des jeux sur iPhone ne fait que commencer ; déjà on commence à douter de la viabilité de jeux 3DS à 40€. D'ici quelques années, quel joueur "casual" sera prêt à mettre 60€, voire plus, dans un jeu ? Les "gamers", eux, le feront. Et plusieurs fois par an, qui plus est. Si les "casuals" ont le nombre, les "gamers" ont pour eux le pouvoir d'achat. Pas grand monde ne serait prêt à voir débouler des tickets de cinéma à deux vitesses, aussi les blockbusters hollywoodiens payent leurs gros moyens par la nécessité de plaire au plus grand nombre ; ce n'est pas obligatoirement le cas du jeu vidéo.

Pour l'instant, les acteurs des marchés "gamer" et "casual" sont quasiment les mêmes, et la plupart des jeux sont un peu entre-deux. Mais le marché est encore en transition : à terme, ils se sépareront. A l'image du PC, où les gros jeux très hardcores (et où les grands succès sont inpiratables si l'on veut profiter du online, une condition importante pour l'existence d'un marché uniquement "gamer" viable) côtoient les jeux beaucoup plus "casuals" sans qu'il y ait grand chose entre ces deux extrêmes, le marché console devrait se polariser, ce qui est d'ailleurs déjà partiellement le cas. D'un côté les consoles "gamers", les seuls prêts à acheter régulièrement des jeux relativements chers, qui accueilleront les jeux AAA, ainsi que les jeux de niches ; et de l'autre des consoles plus grand public, aux jeux plus abordables, tant au niveau de l'accessibilité que du prix. "Gamers" et "casual" pourront alors vivre en bonne entente,côte à côte et non plus l'un sur l'autre.