Tout d'abord, sachez que je ne connais que très peu le réalisateur. C'est évidemment un grand nom du cinéma (il faut avoir vu la plupart de ses films, de toute évidence), et le vrai thème du film n'est pas le jeu vidéo. Nous avons le thème similaire à Matrix (sorti la même année) de "et si nous n'étions pas dans le vrai monde" ainsi que le rapport entre l'humain et la machine. Mais malgré tout, le rapport avec le jeu vidéo (qui n'est qu'un moyen pour parler de ce qui importe vraiment pour Cronenberg) est omniprésent, vu qu'une bonne partie (voire tout le film, à débattre) se passe dans un jeu vidéo appelé eXistenZ (ou pas... j'en dis pas plus).

La console du futur... Ou pas ?

 

Ce jeu se branche via un orifice dans le dos qu'on crée nous même via une machine assez flippante (mais de manière plus organique que dans Matrix). Le thème de la sexualité vis à vis de la machine saute aux yeux, mais ce n'est pas ce point là auquel je vais m'intéresser. Dans le futur de Cronenberg, le jeu vidéo (ou simplement le "jeu", vu qu'il n'y a plus de vidéo à proprement parler) est un nouveau monde. On n'y fait pas grand chose à vrai dire, il n'y a qu'une succession de situations plus ou moins cohérentes où l'intelligence artificielle (qui a besoin d'une autre humain connecté au moins pour la représentation visuelle) assez stupide ne peut vous parler qu'une fois qu'on lui dit une phrase clé.

Si la partie de l'intelligence artificielle n'est pas si loin que ça de la réalité, j'ai le sentiment que le fantasme de l'immersion dans un autre monde (pas meilleur ni plus féerique dans le cas de eXistenZ) s'éloigne de plus en plus au fur et à mesure que le jeu vidéo évolue. Si Cronenberg n'a pas tellement joué à des jeux vidéos pour faire le film (quelques uns seulement apparemment, juste pour voir où on en était), il est possible que certains jeux de l'époque (Deus Ex, Half Life...) l'aient mis sur la mauvaise piste.

En effet, ces FPS où tout est fait pour vous immerger pleinement dans un univers totalement différent du nôtre pouvaient laisser penser qu'on avancerait à travers les époques en essayant de rendre les expériences plus immersives, voire d'essayer de faire confondre le vrai monde du monde fictif au joueur. Mais la direction prise par le jeu vidéo est toute autre. Alors qu'on pensait à la fin des années 90 que le jeu vidéo se rapprocherait de ce qu'on appelait la réalité virtuelle (avec le Virtual Boy par exemple), il se rapproche de nos jours de plus en plus à quelque chose qui existe déjà : le cinéma.

de plus en plus spectateur, de moins en moins participant, le joueur n'est plus obligé de reproduire les moindres mouvements du personnage à l'écran. Alors qu'à une époque il fallait sélectionner son couteau pour aller au corps à corps, il suffit désormais d'appuyer sur une touche pour instantanément le sortir ET trancher la gorge de notre ennemi. Pareil pour les grenades par exemple. Tout est de plus en plus automatisé dans les grosses productions vidéoludiques, le simple fait de tuer furtivement un ennemi relevait d'une réflexion parfois assez longue dans Deus Ex (on pesait parfois le pour et le contre, pour savoir quelle approche était la meilleure), alors qu'à présent dans Uncharted 2, il suffit de se mettre automatiquement à couvert, appuyer uniquement sur une touche et l'assassinat se fera tout seul, sans que les ennemis ne captent quoique ce soit.

Il en va de même pour la narration, de plus en plus automatisée via des scripts ou des cutscenes (qui pour le coup concrétisent ce rapprochement avec le cinéma), alors que les dialogues à choix multiple disparaît peu à peu, mais pas totalement grâce à des jeux comme Alpha Protocol et Mass Effect. Malgré tout on sent un peu moins d'impact dans ces dialogues que cela n'était le cas dans Deus Ex ou Fallout (sauf Alpha Protocol). Bref, fini l'époque où tout était fait pour rendre l'expérience réaliste, désormais (et ce n'est pas forcément un mal), tout est mis en oeuvre pour que les actions soient pratiques à faire. Mais cela implique une médiation très prononcée entre le joueur et l'action, puisqu'un bouton peut servir à de multiples actions, alors que le fait d'avoir plusieurs boutons pour chacune des actions (une pour aller à l'inventaire, une pour choisir la grenade et une pour la lancer, dans les anciens FPS) pouvais donner une sensation de compensation : pour compenser le fait qu'on ne prenne pas la grenade "pour de vrai", on avait l'équivalent de chaque action disséquée sur la manette ou le clavier/souris.

Donc la vision du jeu (vidéo ou non) de Cronenberg est assez loin de ce qu'on a aujourd'hui. Et même si le réalisateur se désintéresse totalement de notre média, je pense qu'il serait assez surpris de découvrir que le jeu vidéo vient grapiller ses clichés et stéréotypes dans son propre média (alors qu'il critique pas mal ces clichés dans eXistenZ par le biais du jeu vidéo). Cet article n'était pas une critique du jeu vidéo moderne, mais uniquement un argumentaire pour montrer que plus notre média préféré avance, moins il se rapproche de la réalité virtuelle rêvée par un grand nombre d'entre nous il y a quelques temps.

N'hésitez pas à donner votre avis et à me contredire si nécessaire (et ce sera surement le cas :p)    :)