Avant de commencer, j'aimerai quand même glisser un mot à propos de ma démarche. L'idée d'étudier les ressemblances entre un bouquin et un jeu vidéo m'est apparue assez subitement, suite aux cours de littérature comparée (tiens donc) que je suis cette année. Je ne sais pas si ce genre de trucs s'est déjà fait, sûrement j'imagine, mais bref : ça me paraissait une excellente idée pour conjuger mes deux passions, jeux et littérature. Comme le dit si bien Wiki,
« la littérature comparée est une approche multi-disciplinaire qui consiste en l'étude conjointe ou contrastive des littératures de différentes aires linguistiques, mais aussi de différents médias et types d'arts ». En gros, y'a aucune raison pour ne pas mettre en commun un bouquin et un jeu. Ça, c'est fait.

Quoi qu'il en soit, je n'ai pas la prétention d'avoir étudié comme un ouf malade tous les éléments de ressemblance entre Dune et Morrowind. Certains trucs m'ont juste interpellé, c'est tout, et je trouvais intéressant de creuser dans cette voie. Mais comme on est jamais à l'abri d'une boulette, il se peut très bien que je délire comme un phoque, et que je me plante donc complètement par
conséquent. Cela dit, l'important n'est pas vraiment de savoir si j'ai raison ou tord : je
propose une interprétation, après, chacun fait ce qu'il veut.

Bon, sur ce, hop hop ! Au travail !

 

Tiens, ça me rappelle un truc...

Disons-le de but en blanc, je pense que les développeurs de Morrowind se sont inspirés de quelques éléments de la célèbre saga de science-fiction de Frank Herbert, à savoir Dune. On va commencer par un premier constat : l'inhospitalité des lieux. Dune se déroule sur une planète de sable aride et hostile, Arrakis, mère de l'Epice et dont les déserts infinis sont parcourus par de gigantesques vers géants mesurant plusieurs kilomètres de long. L'eau y est inexistante (pas de précipitations), le climat rude, des tempêtes gargantuesques se déchaînent à sa surface, rongeant les chairs et l'acier (les fameuses tempêtes Corriolis).

Enfin bref, c'est pas la destination de vacances de rêve, sauf si le masochisme vous branche particulièrement. Pour faire le parallèle avec Morrowind, le jeu se passe sur une île volcanique ; bon, d'accord, il y a pas mal de coins "verts", mais les Terres-Cendres occupent une bonne partie de l'île. Terres inhospitalières elles-aussi, sujettes aux tempêtes du Fléau crachées par le Mont Ecarlate, où des monstres difformes et malades tentent de vous bouffer tout crû, et où la végétation peine à pousser. C'est toujours plus enviable qu'une planète de sable, mais toujours est-il que les conditions de vie y sont rudes.

C'est l'heure du second parallèle. Dans l'univers de Dune, tout un tas de Maisons se disputent la moindre parcelle de pouvoir, usant de trahisons et de coups bas à tour de bras pour gagner en puissance, la guerre ouverte étant par ailleurs interdite. Quant à Morrowind, l'île sur laquelle se déroule le jeu (NDR : Vvardenfell) est également le cadre d'une lutte sans merci entre Grandes Maisons ; s'il n'y a pas de conflit ouvert, tous les afficionados de Morrowind savent que chaque Grande Maison emploie des assassins de la Morag Tong pour régler un différent. Bref, le lien est ici, selon moi, troublant.

Troisième parallèle : le prophétisme. La notion de prophétie est en effet une thématique récurrente de Dune ; ce serait trop long de tout expliquer en détails, mais toujours est-il que Paul Muad'Dib est devenu, par le hasard, par la force des choses (ou était-ce tout simplement son destin) le Kwisatz Haderach, sorte de "super-être" ayant accès à la mémoire de tous ses ancêtres et possédant le pouvoir de prescience... Kwisatz Haderach qui, d'ailleurs, n'est autre qu'un personnage prophétique dont le Benne Gesserit essait de réaliser depuis des milliers d'années en manipulant les lignées génétiques des familles des différentes Maisons.

Devenu le Kwisatz Haderach, Paul va alors mener les Fremens sur le chemin de la victoire et réaliser ainsi la propre prophétie de ce peuple du désert, qui annonçait un jour la venue de leur libérateur (bordel, ça en fait des prophéties). Morrowind est également fortement imprégné de la thématique de la prophétie, puisque dans l'histoire principale, le joueur n'est autre que la réincarnation de Nérévar, dont le retour a été prophétisé par la déesse Azura... D'ailleurs, le joueur va accomplir cette prophétie en triomphant de diverses épreuves tout au long du jeu. Dans Dune comme dans Morrowind, les personnages secondaires douteront souvent de la véracité de cette prophétie : Paul / le Nérévarine est-il bel et bien le Kwisatz Haderach / la réincarnation de Nérévar ? Peut importe, les deux héros le sont devenus, les faits sont là.

Quatrième parallèle : les Fremens et les Cendrais. Dans Dune, les Fremens sont les habitants du désert profond, de formidables guerriers aux croyances mystiques, vivant dans les terribles conditions d'Arrakis sans trop de problèmes. Ils ont une sainte horreur des étrangers et ont pour coutume de les tuer et de "prendre leur eau" si ceux-ci ont le malheur de s'aventurer sur leurs terres. Libres, l'autorité Impériale n'a aucune prise sur eux. Les Cendrais, dans Morrowind, sont les habitants... des Terres-Cendres (incroyable retournement de situation, n'est-ce pas). Eux aussi vivent dans des conditions difficiles, mais ont sû s'adapter à l'inhospitalité du climat et aux terribles tempêtes du Fléau. Ils ont gardées sauves leurs anciennes croyances et sont également de très bons guerriers. Evidemment, eux aussi n'aiment pas les étrangers (mais ils sont plus sympas que les Fremens, ils ne les tuent pas... enfin, pas à ce que je sache), qu'ils désignent avec dédain sous le nom de "nwa".

 

Suppositions quantiques et comparaisons photoniques...

Tant que j'en suis aux Fremens et aux Cendrais, autant glisser un mot sur leurs prophéties respectives (encore ? Promis, ce ne sera pas long).

Comme dit plus haut, les Fremens sont très superstitieux. Dans le cadre de leur grand projet de recherche du Kwisatz Haderach, les Bene Gesserit ont implanté en eux l'espérance de la venue d'un prophète étranger, le Lisan al-Gaib ("la voix d'ailleurs"). Ce prophète devra guider tous les Fremen, et ce prophète, c'est Paul Muad'Dib. Dans Morrowind, Cendrais et Dunmers sédentaires étaient sur un plan d'égalité mais, suite à la Guerre du Premier conseil et à la constitution des Grandes Maisons, les Cendrais ont peu à peu été repoussés vers les régions les plus inhospitalières de l'île. C'est pour cela que les tribus nomades attendent le retour de Nérévar, dont elles espèrent qu'il leur rendra leurs droits d'antan et leur tradition religieuse. Curieuse coincidence quand même. Je dis ça, je ne dis rien.

Toujours dans la famille "Fremens et Cendrais", parlons des Révérendes Mères et des Sages femmes. Dans Dune, les Fremens ont pour guide spirituel une Révérende Mère. Comme son nom l'indique, il s'agit d'une femme, pouvant boire l'Eau de la Vie, la transformer et accéder à la "Mémoire Seconde" (capacité qui leur donne accès à la mémoire de tous leurs ancêtres féminins). Les Révérendes Mères sont ensuite capables de communier avec tous les êtres à proximité, dans un grand échange d'émotions diverses, sorte d'orgie et de fusion émotionnelle constituant une expérience intense pour celui qui y participe. Pour faire le lien avec Morrowind, dans le jeu, les Cendrais ont dans leur tribu une Sage femme. Bien qu'elle ne boit pas de l'Eau de la Vie et ne "fusionne" pas avec ses petits camarades, la Sage femme est la gardienne du savoir et la prophétesse du monde invisible, qui plus est dotée de pouvoirs magiques. Encore un bon point pour l'inspiration Dune, par Bethesda.

Bon, attention, là on rentre maintenant dans du gros spéculatif, et ce sera donc tout à fait hyper subjectif. Les Sardaukars de Dune (soldats d'élite qui dépendent directement de l'Empereur, fanatiques et extrêmement puissants) voir même les Truitesses de Leto II Atréides me font par exemple penser aux Ordonnateurs de Vivec, ou aux Exaltés, dans Morrowind. Ces deux types de soldats sont eux-aussi fanatiques, entièrement dévoués à Vivec, et assez balèzes à bien y regarder.

Dans le même ordre d'idées, je me souviens d'un dialogue avec Vivec, où on pouvait lui demander ce que ça faisait d'être un Dieu. Et voilà qu'il commence à nous parler du haut et du bas, de l'ici et du maintenant. A bien y réfléchir, ça fait vachement penser à ce qu'éprouve Paul lors de ses crises de prescience. D'ailleurs, Vivec fut un mortel qui, utilisant les outils de Kagrénac, est devenu un dieu. Une sorte d'empereur-dieu... Comme le fils de Paul, Léto Atréides, dans le roman éponyme, qui s'affranchit de sa condition de mortel en se placardant des truites des sables sur la peau.

En conclusion, je suis pour ma part convaincu que Bethesda a pioché dans Dune pour former une partie de l'univers de Morrowind. Cela dit, je ne condamne en rien cette reprise d'éléments divers ; j'expose simplement les faits. Et puis après tout, tout n'est qu'un éternel recyclage d'idées, ce ne sont pas les premiers, ni les derniers, qui vont s'inspirer d'un autre univers.