On va éviter la grosse rotative à trolls : je ne vous fais le détail ni du pourquoi, ni du comment. Je dirai simplement que j'étais en pleine possession de mes sphères psychologiques et sensorielles au moment des faits, qu'aucun psychotrope d'aucune sorte n'est donc venu altérer mes perceptions, et que je n'ai pas honte. Ce sera notre postulat de base. Appellons-le "Luc".

Tout cela ne m'empêche pas, comme à peu près... tout le monde, d'avoir enduré le matraquage pré-release avec les dents du fond qui baignent : grand pas pour le jeu vidéo, blabla, émotions, lolilol, ferme-ta-gueule-batard-de-journaleux-ado-bourrin, toussa.

Après avoir bouclé le titre, j'étais tout zen à l'intérieur, comme après ingestion massive de Bifidus Actif : j'avais aimé Heavy Rain mais pas le jeu Heavy Rain. Je l'avais consommé comme un truc qu'on insére dans sa PS3, point. Problem was : c'était pas tout à fait comme ça que ce grand loliste de David Cage le fourguait à la planète.

Fast forward, almost six months later. Une demi-année placée sous le signe des lapidations culturelles en réunion, sur ma carcasse recroquevillée gémissant "Mais je l'ai aimé... mais pas comme un jeeeeeuuuuu ! S'il vous plait, pas les petits cailloux qui coupent !" Et toujours ce petit espoir que peut-être, dans son grand bureau très froid, le sieur Cage soit entrain de plier mollement des origamis en regrettant sa grande supercherie, se jurant que la prochaine fois, il ferait un jeu vidéo.

Alors quand MuseoGames a programmé une conférence intitulée "Les jeux vidéo se jouent de nos émotions" et aligné le sus-nommé côté intervenants, l'attraction s'est faite trop forte. Je devais voir le numéro de claquettes de mes yeux. Ou être agréablement surpris (euh...lol ?).

Résultat pêle-mêle, sans citations (enfin presque) et dans le désordre : les FPS les loulous, c'est bien pour les jeunes et les adolescents, mais on finit par s'en lasser. Si l'on ne se met pas à chercher du sens, l'industrie ne sortira jamais de sa niche. Et puis un game designer avec un minimum de bouteille en a vite marre de faire des jeux de tir ou de plateformes, donc bon. Ne pas sortir des titres comme Heavy Rain "ce serait dire que le cinéma c'est Rambo et point barre". Et de s'indigner devant le succès d'un jeu de pan-pan tout juste sorti (comprendre Halo Reach) qui n'installe ni les personnages, ni le pourquoi du comment des rafales de pétoires. Devant un auditoire un brin fanboy, Cage aborde tout de même le sujet du succès critique mitigé, rappelant que quand le cinéma est passé de muet à parlé, il y a eu des gens pour critiquer...

Et là j'ai envie de danser une gigue. Car si l'on doit indéfiniment comparer jeux vidéo et cinéma, l'expérimentation Heavy Rain, ce n'est pas "Hey les mecs, moi je vous fait du cinéma avec le son en plus !" C'est plutôt "Hey les mecs, je vous propose le... CINEMA... SANS IMAGE !" Donc de une, tu poses cette caméra et de deux, tu vas me rendre le "jeu" de jeu vidéo, genre tout de suite. Que je sache, des aspirants réalisateurs qui font des jeux, l'industrie en a plein les poches. Mais qu'on ne continue pas à me rabacher que c'était le seul moyen de procéder. Hideo Kojima (qui je le rappelle, est mon papa) passe ses nerfs sur le JV depuis quinze ans mais a au moins le respect d'entrecouper son film avec des séquences de gameplay. L'appareil narratif d'un Bioshock m'a immergé et impliqué comme jamais et c'était pourtant un jeu, avec des flingues et presque pas de cutscenes.

Un peu médusé, j'attends la fin de la conférence, espérant un mea culpa pendant les questions-réponses. Qu'est ce que j'espérais ? On parle là d'un jeu qui frise les deux millions d'unités vendues... Première question, première réponse qui tranche net dans mon espoir :

"Je n'aime pas trop ce terme, jeu vidéo. Je préfère parler d'interactivité."

 

Je pense que tout est dit.