Plusieurs éléments me choquent ici profondément. D'abord, comment une ONG (organisation non-gouvernementale donc) peut-elle être sous la
tutelle d'un ministère ? On peut tout de suite écarter toute possibilité d'indépendance de l'association en question. Je ne dis pas que la NFCG n'est qu'un outil de propagande idéologique du régime théologique de
Téhéran, mais on peut bien imaginer que la politique de classification
des jeux sera surveillée de prêt par la Révolution Islamique.

Ensuite, je suis gêné par le principe même sur lequel est basée la notation des jeux. Baptisé ESRA, cette classification sera en effet basé sur le respect des valeurs islamiques par les jeux en question.

Je ne rentrerai pas ici dans un débat sur ces valeurs car ce n'est ni ma
place ni mon droit, et que je crois profondément en la liberté de
religion. Et c'est précisément parce que je crois à cette liberté de
religion que je récuse l'idée d'une classification d'un média, quel
qu'il soit, uniquement en fonction de valeurs religieuses. Je ne suis
pas contre une classification informative des médias en fonction de leur correspondance avec des valeurs religieuses, mais une telle
classification devrait alors être complémentaire et non unique et
obligatoire. L'ESRA ne m'apparaît donc que comme un instrument
supplémentaire de contrôle d'une population par un gouvernement
religieux intolérant et pas comme une réelle mesure de protection de
l'enfance contre les contenus matures.

De plus, la NFCG présente l'ESRA comme un guide pour les développeurs locaux. C'est-à-dire, un système
leur permettant de savoir comment créer un jeu qui respecte les valeurs
dictées par la loi islamique. On voit immédiatement qu'il ne s'agit plus ici d'un système informatif mais bien d'un système restrictif, car les
jeux ne respectant pas ces valeurs se verront attribués une
classification 18+ ou 25+ au minimum, ou bien se verront tout simplement interdits. La preuve en est que l'Iran a déjà annoncé que des jeux tels que GTA IV ou Assassin's Creed: Brotherhood seraient interdits à la vente. On se retrouve donc avec un outil de censure plutôt que d'information.

L'Iran compte proposer ce système de
classification à tous les pays
voisins possédant une population à majorité musulmane. Cela prouve pour
moi encore une fois la portée idéologique de cette initiative qui semble avoir une utilité plus diplomatique que réellement protective des
populations fragiles. J'espère donc que les pays concernés répondront
par la création d'une classification basée sur les valeurs musulmanes,
qui sont celles de leur population, mais une classification réellement
informative et pas idéologique.

Pour finir, la NFCG a annoncé que l'Iran rejoindrait l'ESRB pour tenter de présenter l'ESRA comme une classification supplémentaire informative. Bien évidemment, l'ESRB a nié toute relation ou discussion avec la NFCG, démontrant bien l'hypocrisie de cette fondation.

Pour autant, tout n'est pas noir, et ces différentes initiatives du
gouvernement iranien n'ont pas tué toute création vidéoludique dans le
pays. En juillet 2010, l'Iran vivait la naissance de son premier MMORPG, Asmandez, développé intégralement dans le pays et qui avait fait la fierté de la NFCG.

Le jeu connaît aujourd'hui des pics à 5000 utilisateurs en simultané et se porte bien. Mais, plus important, il semble que le premier titre AAA du pays soit actuellement en développement chez  Fanafzar Sharif Game Studios, développeur local donc. Le jeu baptisé Garshasp sera un jeu d'action rappelant Monster Hunter. En effet, Garshasp était un tueur de monstres dans la mythologie perse.

Nous ne pouvons que saluer ce qui semble être un jeu de qualité et qui ne
sera disponible que sur PC. En effet, en raison des sanctions
économiques et des embargos imposés à l'Iran, les kits de développement
des différentes consoles ne sont pas disponibles dans le pays.

Espérons que la création ne s'éteigne pas dans ce pays étouffé par un gouvernement omniprésent. Espérons que Garshasp rencontre le succès et qu'il donne envie à d'autres iraniens de se lancer dans l'aventure vidéoludique.

Vidéoludiquement,

Arthur

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