Depuis le temps que je saoule tout le monde avec cette saga, il était un peu temps que j'en parle ! Alors c'est parti !

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- Vous reprendrez bien une tranche de Seigneur des Anneaux ? - Euh, ben, non, en fait.
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Le trône de fer s'inscrit dans un genre romanesque assez codifié qui est celui de l'heroic-fantasy, ou médiéval fantastique par chez nous. On
sait naturellement que Tolkien a posé les bases de ce genre avec son
Seigneur des Anneaux, et qu'il a exercé une influence considérable sur
bien des auteurs qui s'évertuent depuis à refaire ce qu'il a fait, en
moins bon, évidemment. Quelques auteurs sont fort heureusement sortis du lot. Tout art qui plonge dans la redite est voué à l'échec et à la
médiocrité, et l'heroic fantasy ne pouvait assurément pas en rester là.
Alors, progressivement, sont apparus de vrais génies qui, comme tout
artiste qui se respecte, n'ont eu de cesse que de vouloir faire évoluer
cette forme de littérature. Un nom comme celui de Moorcock vient
aussitôt à l'esprit (pour son fabuleux cycle d'Elric, le prince albinos
qui dépend de son épée dévoreuse d'âmes), ou encore celui de Robin Hobb
(avec sa non moins fabuleuse saga de l'Assassin royal).

Ma rencontre avec le Trône de fer fut assez hasardeuse. J'étais en quête d'un bon roman d'heroic fantasy et je me livrais à des recherches sur
le site commerçant d'Amazon.com, en parcourant les différents titres, en lisant les commentaires des internautes. Mes recherches m'ont conduit
au Trône de fer, et les différents commentaires m'ont vite mis la puce à l'oreille : univers non-manichéen, intrigues politiques complexes et
passionnantes, noirceur d'un univers sans concession, heroic fantasy
réaliste et mature.
J'ai essuyé le filet de bave qui me coulait du menton et j'ai commandé
aussi sec les trois premiers volumes. Autant dire qu'avec la baffe que
je me suis prise en lisant, les autres volumes se sont vite ajoutés aux
trois premiers !

Le Trône de fer s'affranchit complètement de l'influence de Tolkien et
désarçonne par la richesse invraisemblable de son univers. Il n'y a en
effet aucune espèce de manichéisme dans cette saga, et même les forces
que l'on pourrait estimer "mauvaises" quand on commence à lire, comme la famille Lannister ou ceux qu'on appelle avec crainte les "Autres"
révèleront des facettes et des destinées qui nous empêcheront de les
juger.

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Ni héros ni zéros, juste des êtres en lutte, bien souvent contre eux-mêmes
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Georges Martin est un génie. Sa saga, au contraire de bien des autres,
refuse ainsi la notion de Bien et de Mal et propose plutôt un éventail
de nuances de gris. Mais il ne s'arrête pas là. Il refuse également
l'idée d'héroïsme. Si certains personnages ont un réel sens de l'honneur et prennent parfois de grands risques, très courageux, ils n'en
demeurent pas moins des hommes. Finis donc les héros étincelants au
sourire colgate, juchés sur leur monture sublime, invincibles et
supérieurement intelligents. Nous voilà plutôt face à des hommes qui
connaissent le doute, la peur, la haine, des hommes qui peuvent être
très doués au combat mais mourir quand même.
Le maître mot ici est le réalisme. Avec Martin, un coup d'épée ou de
masse, ça fait mal. Ca défonce les armures et les crânes, ça coupe et ça tranche. Nous sommes loin ici de la vision quasi super-héroïque d'un
Howard qui fait de Conan un guerrier invulnérable, infatigable, qui
semble capable de défaire une armée à lui seul.

Martin se permet même d'aller fouiner dans les bas instincts, sexuels ou morbides. On assistera ainsi, médusés, à la copulation très crue de
Jaime et Cersei Lannister, qui sont frères et soeurs jumeaux, au début
du roman. Et quand ils s'aperçoivent qu'ils sont observés par un petit
Stark (chez qui ils sont invités), Jaime chope le gamin et le balance
par dessus le balcon de la tour où ils se trouvent. Hop, goodbye le
petit Bran Stark auquel on s'était déjà attachés^^'.
Sans concession.
Et si vous vous dites que Jaime est un salopard, et que vous pouvez le
détester tranquillement, en bon méchant, eh bien vous n'êtes pas au bout de vos surprises, car cette impression va certes vous accaparer pendant un temps, mais vous apprendrez à nuancer votre jugement en découvrant
le personnage au fil de la saga.

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Tout est politique
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Le monde du Trône de fer est impitoyable. Comme je le disais juste
avant, il n'y a pas de bien ou de mal, il y a plutôt des familles, des
traditions, une volonté de préserver les intérêts familiaux. Tout cela
compose un univers rouge sang, où chacun cherche midi à sa porte, de
façon assez compréhensible. J'explique.

L'action se déroule sur une sorte de continent qui s'appelle Westeros
(une magnifique et indispensable carte se trouve à la fin des volumes de la saga). Ce monde est très partagé entre le Nord et le Sud. Le froid,
la neige, l'hiver, la rigueur, le sérieux, caractérisent le nord. La
chaleur, la fête, le sable, le soleil, la sensualité, caractérisent le
sud. Le seigneur qui domine Westeros est celui qui occupe le fameux
trône de fer, il représente alors, en quelques sortes, le Roi.
La situation au début de la saga est stable, mais tout va très vite
dégénérer, et certaines familles vont loucher sérieusement sur le trône
de fer, afin de prendre le pouvoir, là où d'autres familles vont
simplement lutter pour leur survie.

Martin est un auteur diabolique. Les intrigues de Cour, les trahisons,
les arrangements entre amis, les alliances opportunistes, les calculs
d'intérêt, tout cela foisonne et bouillonne sous la plume de l'auteur,
avec une vraisemblance, un souci du détail, un réalisme, qui laissent
songeur. Nous sommes définitivement très loin du Seigneur des Anneaux et de son alliance relativement simpliste des différentes forces face à la menace de Sauron, le grand méchant vilain pas beau. D'autant plus qu'il n'y a pas les traditionnels elfes, nains et magiciens dans le Trône de
fer, et ça fait du bien.

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Objectif : décevoir le lecteur. Et quand il est déçu ? - L'achever.
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Martin a composé un univers d'une complexité incroyable. Il faut savoir
que sa saga compte plusieurs centaines de personnages. C'est tellement
dense et complexe qu'une encyclopédie est en cours d'élaboration aux
USA, et que la paga wiki consacrée au Trône de fer fournit des arbres
généalogiques pour recenser tous les personnages rencontrés dans la
saga. Cette profusion rime parfois avec confusion. Certains lecteurs ne
peuvent pas s'en sortir, je pense, dans un univers aussi riche et
complexe. Mais ceux qui s'accrochent n'en ressortent pas indemnes, c'est certain.

Ce qui m'a définitivement fait tomber amoureux de cette saga, c'est
l'irrévérence avec laquelle Martin traite le lecteur. Là, vraiment, on
touche à l'aspect profondément artistique de son oeuvre. Le gars se fout éperdument de ce que pense le lecteur, il passe son temps à décevoir
les attentes du lecteur, et putain, ça fait du bien.
Vous aimez bien cette petite noble au coeur tendre ? OK, oups, merde,
elle se fait violer et défigurer par un taré, c'est con ça.
Vous aimez bien ce seigneur, juste et magnanime, que vous avez envie de
voir monter sur le trône de fer ? Zoup, le voilà découpé en place
publique après une manipulation politique bien crade par une famille
rivale, la tête plantée sur une pique à l'entrée du château. Oh ben
c'est re-con ça alors^^'.

Et toute la saga est comme ça^^'. Le pauvre lecteur finit par tourner
chaque page avec inquiétude pour ses personnages favoris tellement
Martin déconstruit toutes les trames conventionnelles du récit. L'apogée de cette tendance se trouve dans le tome 8 : les Noces Pourpres. Un
tome viscéral, fascinant, très éprouvant pour le lecteur. C'est simple,
ma femme n'a pas pu le lâcher, et en finissant le volume, elle était
tellement dégoutée qu'elle voulait arrêter la saga^^'.
Et quand on pense avoir touché le fond, quand on se dit qu'après ce
qu'on a subi, ça ne peut pas être pire, Martin trouve le moyen de vous
sidérer complètement par une trouvaille scénaristique que jamais vous
n'auriez pu concevoir.
Fort. Très très fort.
De même que les grands peintres font de la peinture par nécessité et se
foutent bien de ce que pense le public, Martin est dans une vraie, une
authentique démarche artistique, et son oeuvre fait pour moi partie
intégrante de la grande littérature.

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Un univers fascinant
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Moi qui ai toujours été amoureux de la Terre du Milieu, des cartes que
l'on trouvait dans les jeux de rôle ou même les livres dont vous êtes le héros, je dois dire que tout cela a été balayé par l'univers de Martin.
J'ai souvent contemplé la carte de Westeros d'un air un peu rêveur.
Quand on a bouffé des tomes et des tomes, on connait bien ce monde et
certains endroits, et en regardant la carte, on a le sentiment de
contempler la carte d'un monde vrai. Et quel monde !
Les villes, les routes, les lieux, les montagnes, les constructions
singulières, les endroits mythiques, tout cela est tellement riche,
beau, bien trouvé, que c'est un vrai bonheur que de se perdre dans ce
monde.
Les Eyriés, les Iles de Fer, les Jumeaux,le Mur, le château de
Winterfell, Castral Roc, le Val d'Arryn, Port-Réal, etc, etc. A chaque
lieu, des souvenirs.

Et je ne vous parle pas des personnages ! Nombreux, parfois anti-héros,
ils n'en demeurent pas moins complètement fascinants eux aussi, et le
talent de Martin explose souvent à chaque page tant la profondeur de ces personnages est stupéfiante. Qu'ils soient féminins ou masculins, la
plupart sont d'une réussite incroyable. Voici les principales familles :

- les Stark : grande famille du Nord vivant à Winterfell. Une famille où l'honneur est le maître mot, famille noble s'il en est, avec de vraies
valeurs et des personnages qui comptent parmi les plus aimables de la
saga.

- les Lannister : quelle famille ! Puissante, rompue à tous les jeux
d'influence politique, assez machiavélique et très, très riche, cette
famille, vous la détesterez longtemps avant de vous rendre compte à quel point elle vous fascine !

- les Barathéon : famille au pouvoir au début du roman, une famille
contrastée, plutôt composée d'hommes de combat simples et honnêtes, bons vivants et aimant les belles choses.

- les Targaryens : le sang des dragons, famille presque décimée,
ancienne famille royale d'une puissance considérable dont il ne reste
plus qu'une fille, Daenarys Targaryen, qui va tâcher de survivre
d'abord, puis de lever une armée pour voir le nom de sa famille
réinvestir Westeros.

- Les Martell : famille du sud, marquée par la beauté et la sensualité,
mais aussi par des caractères trempés avec les fameuses soeurs qu'on
appelle les "aspics des sables".

- Les Greyjoys : les impitoyables fers-nés, venant des Iles de fer, marins incomparables, impitoyables, féroces.

J'adooooooooooooooooooooooore.

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Une source d'inspiration
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J'écris moi même ma propre saga d'heroic fantasy, les Ombres de Kamansk, et je dois avouer que la découverte du Trône de fer a exercé une grosse influence sur moi, qui se ressent notamment dans le tome 2 de ma saga
(je n'avais pas encore lu la saga de Martin quand j'ai écrit le tome 1).
Mais je ne suis pas le seul à en être inspiré.
Il existe un jeu de cartes à collectionner Trône de fer dans la lignée
de Magic, il existe également un jeu de plateau, et évidemment un jeu de rôle papier. Un projet de jeu vidéo a vu le jour récemment.
On notera également de remarquables figurines en étain qui ont été
crées, et je finirai ce tour de piste par un énorme truc que tous les
fans de la saga suivent avec émoi : l'adaptation du trône de fer en
série TV ! C'est l'excellente boîte HBO, à l'origine de séries aussi
réussies que Rome, Six feet under, Sex and the city, qui s'en occupe, et je suis impatient évidement de voir cela.

Y a-t-il un défaut au Trône de fer ?
Il y en a plusieurs en fait, mais on s'en fout un peu.
Le premier défaut, c'est que Martin écrit lentement. Sept tomes
américains sont prévus, soit 21 tomes en français, et nous n'en sommes
qu'au tome 12. C'est donc un peu flippant, et comme Martin ne rajeunit
pas, on en vient à se dire qu'il ne finira jamais sa saga, ce qui est un peu crispant.
Le second défaut, c'est qu'une fois passé le tome 9, Martin s'éloigne
des personnages qui ont marqué la saga jusque là, frustrant une fois de
plus le lecteur, qui doit s'accommoder de nouveaux lieux et de nouveaux
personnages (encore^^'). Ceci dit, il sait ce qu'il fait et on revient
en Westeros à la fin du tome 12, pour une suite qui s'annonce explosive.

Voilà. Je suis un fan absolu de ce chef d'oeuvre. Nous tenons là le
fleuron ultime de ce qu'on appelle la "dark fantasy". Ca va peut-être en choquer certains, mais ma référence heroic fantasy n'est plus le
Seigneur des Anneaux, c'est bel et bien le Trône de fer qui a pris cette place, et ce n'est pas près de changer.


Le Trône de fer...une saga d'une telle force et d'une telle intelligence qu'elle n'a rien à envier à la grande littérature.


John "Snow" Stark et son loup. Prudence, "l'Hiver vient"


Cersei Lannister. Elle est remarquablement belle, attirante et...fatale, diabolique, manipulatrice.


Les noces pourpres...les tome 8, un chef d'oeuvre haletant qui met le lecteur à genoux.


Jaime Lannister faisant le con sur le trône de fer ! On notera l'épée rougie
du sang de l'ancien roi Targaryen qui vaudra à Jaime le surnom de
"Régicide"
.


Une belle carte de Westeros. Désolé, les noms apparaissent dessus en anglais !


Le jeu de cartes dérivé du Trône de fer. J'en ai achetées, évidemment^^'.


Le jeu de plateau dérivé du Trône de fer. Je l'ai acheté, évidemment^^'.


Voici une photo du jeu de plateau en action...


Le tome 12, dernier tome paru à ce jour. JE VEUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUX LA SUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIITE


Et pour finir, une photo du Maître ! Loué sois-tu, Georges, d'avoir créé pareil chef d'oeuvre.