Il avait eu vent de rumeurs, et il ne pensait pas avoir à
rentrer dans son Japon natal afin de glaner de nouvelles informations. Jusqu'à
cette nuit où il avait reçu la visite impromptue d'un mystérieux guerrier qui
lui laissa ce message avant de s'enfuir dans la pénombre: « Ta quête
passe par Jyurakudai... »

Sa quête toujours inachevée, et son désir de progression
toujours insatisfait, il ne pouvait refuser une telle invitation. Il attendait
toujours de rencontrer l'adversaire qui lui apporterait la réponse à ses
questions...

Arrivé sur le toit de cette maison qui paraissait
inhabitée, il trouva face à lui une superbe femme qui semblait l'attendre de
pied ferme. Coiffée d'une belle chevelure blonde, elle était vêtue d'un
magnifique kimono rose à manches longues, et portait à son flanc une ombrelle.
Mitsurugi savait par expérience que ces objets pouvaient dissimuler des armes
terrifiantes, comme les sabres lai.  Il croisa
le regard déterminé, vengeur et mélancolique de la fille. Son sabre Shishi-Oh réclamait du sang, et semblait s'agiter dans son
fourreau.

Après quelques minutes d'observation,
elle commença : « Heishiro Mitsurugi... Enfin, nous nous
rencontrons... »
Elle n'avait pas besoin de le lui dire, Mitsurugi avait
déjà compris à son regard que la femme n'attendait que lui, et que son désir de
vengeance la consumait. Son art du sabre lui avait appris à être calme, mais
cette fois, il sentait que c'était différent des adversaires qu'il avait pu
vaincre lors de son périple. Et qu'il devrait se méfier. Son excitation était à
son comble, il comprit que sa quête avait un sens. Même si ce n'était pas le
Chevalier Azur qui se dressait face à lui, il sentit que son adversaire serait
à la hauteur.

« Cet endroit ne te dit
rien ? »
lui dit soudainement la femme en intensifiant son regard.
Pris de court, et plongé encore dans ses pensées, Mitsurugi réfléchit quelques
secondes avant de lui répondre : « J'ai beaucoup voyagé, je suis un
vagabond. Cet endroit ne m'est pas plus familier qu'un autre... Que me
veux-tu ? »
C'était un mensonge. Comme son illustre prédécesseur
Miyamoto Musashi, il essayait par tous les moyens de déstabiliser son
adversaire. Mitsurugi connaissait très bien ce lieu. Il y avait jadis affronté
un homme qui maîtrisait à la perfection l'art du battoujutsu. Ce combat était
resté dans sa mémoire comme l'un des plus instructifs de sa vie, et respectueux
de la valeur de son adversaire, il n'avait pas osé le tuer, et lui avait laissé
la vie sauve, sans lui faire toutefois l'offense de l'aider à se soigner.

C'est donc sans grande surprise qu'il
vit le visage de la femme s'empourprer de colère. Elle porta la main à son
ombrelle, et se mit en position de combat. Elle ne chargea pas, mais
déclara : « Je me nomme Setsuka, et tu es l'assassin de mon
maître ! Mon épée boira ton sang et assouvira ma vengeance ! »
Mitsurugi éprouva alors un sentiment enfoui dans ses entrailles depuis des
lustres: la tristesse. Il était navré de savoir cet adversaire mort, mais il
n'avait alors pu faire autrement...

Cependant, il ne put s'empêcher de
sourire... La partie de lui-même qui cherchait la perfection par la Voie du sabre
brûlait d'envie devant cet adversaire. Animée par la vengeance, Setsuka n'en
serait que plus redoutable. Tout en fermant les yeux, il dégaina Shishi-Oh, le
saisit des deux mains et se mit en position. Il regarda alors Setsuka et lui
déclara : « Quoique tu me veuilles, j'ai une quête à mener, donc si
tu le veux bien, arrêtons les formalités et finissons-en ! »
Setsuka
sourit à son tour : « Je n'attends que ça... »

Elle se mit alors à charger
rageusement son adversaire. Mitsurugi bloqua assez facilement les coups, mais
parut surpris par la vitesse de Setsuka. Lorsqu'elle finit sa salve, elle se
mit en retrait, et reprit sa position initiale, qui n'était pas sans rappeler à
Mitsurugi sa position de la Relique.

Après ce court échauffement, les
adversaires se jaugèrent du regard. Ce round d'observation dura un bref moment,
chacun attendant que l'autre attaque. Setsuka avait semble-t-il décidé
d'attendre l'offensive de Mitsurugi. Méfiant, ce dernier chargea en retenant
quelque peu son coup. Mal lui en prit, parce qu'à l'aide de sa vitesse
fulgurante, Setsuka para et avança, lui assénant trois taillades au ventre
qu'il ne put contrer.

Complètement décontenancé par cette
attaque, il porta les doigts à ses plaies qui n'étaient pas mortelles, mais
juste superficielles. Il comprit alors que Setsuka voulait savourer sa
vengeance, et qu'une mort expéditive ne lui conviendrait pas. Ce serait un
combat peut-être encore plus difficile qu'il ne pensait...

Il se mit à frissonner, grisé par la
valeur de son adversaire. Il se remit en position de combat, et attaqua.
Setsuka et Mitsurugi se rendaient coup pour coup, faisant jaillir des
étincelles de leurs sabres, et concluant leurs attaques par des cris rauques.
L'opposition des styles était belle à voir et à entendre. Mitsurugi profitait
de sa capacité à lutter à mi-distance, pour empêcher Setsuka de pénétrer sa
défense, et de lui faire mal.

Les deux combattants semblaient de
valeur égale, et peu de coups touchaient au but. Setsuka atteignit Mitsurugi
aux bras quelques fois sur des contre-attaques éclairs, et passait le plus
clair de son temps à attendre la faille dans le jeu de son adversaire. Pour
gagner en rapidité au corps-à-corps, Mitsurugi n'hésitait pas à user de sa
position de la Brume pour maintenir la pression sur Setsuka, et l'empêcher de
le prendre en défaut sur ce plan-là.

Les yeux de Setsuka étaient toujours
aussi rageurs, et réclamaient vengeance. Cependant, Mitsurugi ne put s'empêcher
d'y lire autre chose, de plus profond et de plus humain. Il lui semblait
qu'imperceptiblement, Setsuka retenait ses larmes. Des larmes qui ne semblaient
pas avoir uniquement le goût de la mort, mais aussi de la tristesse et de la
mélancolie. Soudain, tout devint clair pour Mitsurugi : cette femme avait
perdu plus qu'un maître, ou un père ; il lui avait enlevé l'amour de sa
vie. Cette pensée l'attristait, tandis qu'il continuait à en découdre avec
Setsuka, dans un combat toujours aussi indécis et excitant.

Il avait compris le sens que ce duel
revêtait pour lui : donner une seconde chance à cette femme en lui offrant
la possibilité de retrouver le chemin de la vie. Et ce n'est pas en se laissant
mourir de son épée qu'il y parviendrait. Il devait lui donner une leçon, et la
mener vers la voie de la vérité.

« Ton maître était un adversaire
remarquable, je n'ai jamais voulu sa mort... »
dit-il lors d'une courte
pause que les deux rivaux s'accordèrent après une longue succession de coups.« Tais-toi, chien ! Tu l'as laissé mourant, ici même ! Tu n'as
rien fait pour le sauver ! Tu l'as vaincu, et tu es parti, sans rien dire,
ni faire ! »
lui répondit-elle alors qu'une boule naissait dans sa
gorge. Mitsurugi lui répondit avec douceur et sur un ton
persuasif : « Crois-tu vraiment qu'un homme tel que lui aurait
supporté l'idée que son vainqueur ait de la pitié ? »
Setsuka se
rappela alors les mots de son maître : « Ne cherche pas à me
venger, ce combat a été l'un des plus excitants de ma vie... »
Elle se mit à
douter, mais son cœur lui rappelait toujours sa soif de sang. Mitsurugi le lit
dans ses yeux, et se dit qu'il était un peu dans la même situation : il
avait jadis cherché à se venger de cette maudite arme que représente le fusil,
et il avait en lui ce morceau de Soul Edge qui continuait à le hanter, et à lui
demander de l'abreuver de sang. Lui non plus ne réagissait pas toujours aux
désirs de sa raison, et comme Setsuka, il cherchait une réponse...

Il comprit alors que le meilleur moyen
d'aider cette femme était de lui faire honneur, et de lui faire comprendre
qu'elle pouvait chercher un autre but que la vengeance.

« Que cherches-tu donc, Setsuka ? A
me tuer ? C'est donc là ton seul but ? Je ne pense pas que ce soit le
genre de choses que ton maître t'ait enseignées.

-Je suis comme toi, à la recherche de
réponses. Nous avons tous une quête à mener. La mienne, c'est d'avoir ta
tête !

-Tu as raison sur un point, nous avons
tous une quête à mener. Mais contrairement à toi, je ne cherche qu'à me prouver
ma valeur. Je ne demande la mort de personne. J'ai moi aussi souffert, et j'ai
trouvé une paix relative dans le pardon et dans la compréhension de mes vieux
démons. Pour mener à bien ma quête, il me faut rencontrer des gens de ta
valeur. Alors que toi, tu es seule avec ta colère et ta haine... »

Setsuka ne put s'empêcher plus
longtemps de retenir ses larmes. Elle ne put rien répondre à Mitsurugi, et la
colère semblait disparaître petit à petit des ses yeux, pour laisser place au regret
et à la tristesse.

« Tu m'as aidé, et je t'en
remercie, Setsuka. Laisse-moi à présent te venir en aide à mon tour »
dit
Mitsurugi tout en rangeant son sabre dans son fourreau, et en adoptant la
position de la Relique, dans une posture défensive, prêt à contre-attaquer.

L'issue du combat allait se décider
sous peu... Les deux adversaires avaient changé de sentiments en l'espace de
quelques minutes, et ils avaient beaucoup appris sur eux-mêmes. Cet
affrontement resterait gravé dans leur mémoire, si toutefois il les laissait
vivants... Setsuka n'attendit pas longtemps avant de partir à l'assaut. Dès qu'il
la vit s'élancer, Mitsurugi sut que le combat était gagné; le regard de
Setsuka était empli de doute, et son attaque manquait de maîtrise et de
vitesse. Il dégaina alors rapidement son sabre, para avec force l'assaut de son
adversaire, et enchaîna avec son attaque de la Fausse Purification. Trois coups
de sabre fulgurants et alternés atteignirent le torse de Setsuka qui, sous le
poids de cette contre-attaque, tomba au sol à plat ventre.

Debout face à elle, Mitsurugi rengaina
tranquillement son katana. Il avait retenu ses coups, et il savait que Setsuka
survivrait. Elle s'en tirerait avec des cicatrices, mais ses jours n'étaient
pas en danger. C'était la leçon qu'il voulait lui enseigner : le pardon et
le goût de la vie.

Il ne doutait pas un seul instant
qu'elle comprendrait pourquoi son maître n'avait pas réclamé vengeance. Elle
aussi venait de perdre un combat plein d'enseignements face à Mitsurugi, et il
lui avait laissé la vie sauve, parce qu'il avait jugé qu'elle le méritait.

Setsuka gémissait de douleur sur le
sol de ce lieu magnifique, tandis que Mitsurugi lui dit : « Vis,
Setsuka. Ne laisse plus la colère et la haine obscurcir ta foi. Je pense que tu
as enfin trouvé la réponse à ta question. Je repars en quête de ce Chevalier
Azur... »

Il quitta lentement la villa, avec le
même sentiment que celui qui l'avait habité la dernière fois qu'il fut présent
en ces lieux...