de Bokurano et Whydalaz

 

La question du jour, quel rôle ont les publicités
dans Metal Gear Solid 4 ?

Zappe la pub Simone, je veux jouer à Metal Gear.

Beaucoup d'entre vous se sont peut-être demandés ce que mangeait
Kojima au petit déj pour nous pondre ces pubs qui nous accompagnent tout au long du jeu. Mais si, souvenez-vous, les publicités tournées avec
des acteurs réels qui nous exposent les bienfaits de la guerre comme on
vanterait les mérites d'un bon vieux burger !

Vous en conviendrez surement, la publicité n'a rien d'innocent.
Avant tout, celle-ci se destine à susciter chez le consommateur
potentiel ou affirmé un besoin. Et pas n'importe lequel, la publicité se crée des images et associe des objets à des sentiments qui nous
touchent. On ne peut vous coller le dernier Chanel sous le nez mais on
vous fait savoir que vous serez tellement plus classe si vous en aviez.
La pub ne parle pas de l'objet en lui-même mais l'idéalise en lui
attachant des sensations, un parfum véhicule l'image de la séduction et
du désir.

Imaginez un parfum et amusez vous à voir jusqu'à quel point vous y
attachez des concepts qui vous sont impersonnels. Et vous pouvez faire
la même chose pour le café, les banques, la voiture, le crédit... sauf
que dans Metal Gear Solid, ça ne rigole plus, c'est la guerre elle-même
qui se voit mobiliser notre "temps de cerveau".

 

Attardons-nous maintenant sur les pubs présentes in game car, si elles
partagent une même thématique, chacune joue sur des émotions différentes pour mieux nous fasciner.
L'une d'entre elles nous présente deux femmes dont la beauté fait
contraste avec le chaos du champ de bataille qu'elles survolent. Leur
combat se transforme en une danse surréaliste où les armes campent un
rôle purement esthétique. Cette pub, pourtant construite sur le thème de la guerre, pourrait aussi bien être celle d'un parfum.

Une autre, plus déstabilisante encore nous met face à une tuerie
conduite par un bras émergeant de l'écran et auquel le spectateur peut
alors s'identifier (oui oui, comme dans un FPS). Les victimes ? Des
soldats immobiles aux visages et aux uniformes identiques. L'un de ces
soldats finit par s'animer et abat d'une seule balle le tueur,
introduisant le slogan et la marque de l'entreprise Ravensword. Cette publicité déshumanise l'individu face à l'entreprise qui se veut
modèle d'efficacité à toute épreuve.

D'autres publicités sont plus insidieuses car elles interpellent
directement l'individu. C'est le cas notamment de la publicité pour « WereWolf » qui met en avant la manière dont la personne perçoit sa propre image et comment la communauté juge ses actes. « Est-ce que vos enfants
réalisent les sacrifices que vous êtes sur le point de réaliser ? » ou « élaborons un monde parfait » sont les leitmotiv de cette pub qui impose une responsabilité au spectateur. Tout cela sous couvert de moralités
telles que la sécurité et la
protection civile
.

La dernière à afficher une composition aussi dérangeante est celle de « Pieuvre Armement » qui appuie sur l'ennui que peut ressentir le spectateur
face à la routine, mêlant sans différence, vie, jeu et mort. Qu'est-ce
que la vie ? La vie sans la mort est surfaite.... Joue la mort. Avouez
qu'une voix lascive prononçant ces phrases pendant que de jolies filles
armées se trémoussent a de quoi laisser médusé.

Qui veut gagner un Metal Gear ?

Le présentateur stresse Simone, le regard
interrogateur, il attend sa réponse. Simone hésite, elle connaît la
réponse mais l'idée de perdre le camping-car de ses rêves la tourmente.
Une entreprise privée dont le succès est connu de tous ? Elle a vu des
dizaines de reportages sur cette société d'armement française, son fils
lui répète toujours le slogan idiot qui passe constamment à la télé....

Ainsi commence Metal Gear Solid 4, sur une émission toute aussi
familière qu'un "qui veut gagner des millions". Mais comme de juste, une telle scène ne peut se produire que dans un pays qui a connaissance de
la guerre sans pour autant la vivre. La domination des SMP (Société
Militaires Privées) sur une juteuse économie de guerre est tombée dans
le domaine de l'inconscient collectif, une banalité de plus coincée
entre le burger et le dernier skip machine.

Le business de la guerre est au cœur du système économique dépeint dans
MGS4 même si, pour ainsi dire, le monde n'est pas en guerre. Et si
malgré tout on a cette impression une fois plongé dans le jeu, il est
primordial de rappeler les lieux ou les actions militaires sont
conduites : Moyen-Orient, Amérique latine et Europe de l'est. Des pays
défavorisés qui font office de zones de "jeu économique", ce sont des
guerres factices menées en coulisses par les Patriotes afin de maintenir un système exponentiel et complètement déséquilibré. L'Est et ses
couvres-feu, le Moyen-Orient et leur soulèvement armé ou encore les
guérillas d'Amérique latine sont autant de guerres contrôlées, les
soldats de chaque camp étant régis par le système global SOP « Sons' Of
the Patriots ».

Les pays riches peuvent alors maintenir les pays en voie de
développement dans un coma artificiel, prévenant ainsi tout effondrement du système. Si vous en êtes à vous dire « roah encore les pays riches
contre les pays pauvres! » sachez que là encore, cette notion est
factice devant l'implication des patriotes. Les gens ne sont donc pas
décisionnaires mais laissent agir ce système, quel que soit leur degré
de conscience.

Il y a dans Metal Gear une forme d'enjeu pour chaque personnage, qui
cherche à s'affranchir du système tout en redoutant le vide que sa chute laisserait.

Il en ressort un paradoxe : la peur de voir ainsi leur existence
privée de sens confrontée à la conscience qu'ils sont tous dépendant
d'un système aliénant. La fin est dans ce ton, mêlant l'espoir du
renouveau mais aussi le vide engendré par la perte de repères, après
tout ne sont-ils pas devenus Orphelins des Patriotes ?

Vous l'aurez compris, Metal Gear incarne une forme que pourrait revêtir
notre système actuel si on en pousse les tendances au paroxysme. Il est
ce que notre système pourrait être une fois que seront tombées toutes
les barrières telles que la déontologie ou la moralité. Une fois qu'une
idée est acceptée et qu'elle tombe dans la banalité, la morale ne
s'applique plus, même sur des thèmes comme ceux concernant le contrôle
des agissements, des informations, l'eugénisme ou plus généralement
toute action visant à dégrader l'individu.

Les lieux traversés font écho à notre propre
contexte géopolitique, le système des Patriotes semble être la solution
idéale pour maintenir notre propre système dans son illustration la plus absurde : une guerre perpétuelle qui régule l'économie et les hommes.
Et si nous, hommes des pays développés sommes si absents de l'aventure
MGS, c'est peut-être que nous n'avons de toute manière aucun poids réel
hormis celui d'être consommateur.

Le singe que nous rencontrons au long de l'aventure la clope au
bec ou ingurgitant le contenu d'une canette rouge et blanche... n'est-il pas là pour nous le rappeler ?

De notre point de vue, les pubs omniprésentes sont révélatrices de notre propre condition et de la place que nous aurions sans doute dans
l'univers de Solid Snake : devant notre écran. Ces pubs brisent encore
un peu plus les limites séparant le jeu vidéo de notre réalité
privilégiée au regard du monde, le jeu vidéo étant un de nos nombreux
luxes.
Difficile donc d'ignorer le message porté par ces pubs et qui
semble nous être destiné, comme un avertissement dans notre rapport à la guerre, au jeu et à la mort.

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