de Bokurano

Et pourtant, les prétendants se bousculaient au portillon, ça on peut le dire. Il y a bien eu Velvet Assassin, qui par son ambiance ténébreuse m'ouvrait les portes d'un univers désolant et fou. Je me souviens encore de la pétulance de
Blazblue, dont l'énergie et les subtilités semblaient sans fin ! Ou
encore Muramasa et sa plastique délicieuse, surprenant sans cesse les
pupilles de ses milles douceurs. Mais malgré tous ses amants, ce bon
vieux Mario m'a rappelé qu'il vaut mieux être deux et même quatre pour
jouir des petites choses.

Le mode multijoueur m'a littéralement séduit, en solitaire, je n'aurais
sans doute jamais pensé ou même essayé de terminer à 100% ce jeu
étonnamment difficile. Loué celui qui a eu l'idée de faire en sorte que
chaque personnage ait son propre corps consistant et matériel !
J'avais l'habitude d'avoir des alliés irréels, tels des fantômes
qui se côtoient sans jamais se déranger les uns les autres. Ne pas se
bousculer nous rend effectivement plus efficace et plus apte à foutre
une branlée à nos ennemis, certes, mais finir un jeu n'est pas ma seule
motivation.

Mario a ravivé la flamme, cette joie que j'avais déjà expérimenté
dans Street of Rage lorsqu'on se cognait mutuellement et qu'on martelait par inadvertance (ou pas muahahah) son confrère !
Le principe de la coopération n'est jamais vraiment complet
lorsqu'on en arrive à oublier son partenaire hormis pour lui annoncer
son impuissance, à terre et frustré, attendant d'être de nouveau
ressuscité.

Durant maintes parties mario-lles, nous subissions avec mes pauvres
alliés, une nuisance permanente ! A chaque niveau, nous devions nous
adapter non seulement aux nombreux pièges et aux ennemis qui flânaient
mais surtout à chacun d'entre nous, beaucoup plus dangereux et menaçants ! Nos gestes étaient étouffés, les plates-formes devenaient bien plus
restreintes et il n'était pas rare qu'un allié nous coupe en pleine
action.

Notre mort était due la plupart du temps à une nécessaire et
constante réadaptation pour s'habituer aux caprices des uns et des
autres. On rit, on râle, la frustration se fait sentir et au fur à
mesure se crée un lien secret entre chaque joueur.

Luigi était ma tête de turc préférée, provoquer sa mort
secrètement était mon péché mignon. Alors qu'au contraire j'étais prêt à mourir pour sauver la vie du moustachu en salopette rouge. Mon double à tête de champignon était mon allié de confiance avec lequel je tentais
les péripéties de la coopération.
Nos relations implicites changeaient du tout au tout, Luigi
pouvait me sauver la vie héroïquement et dans un élan de culpabilité,
j'en faisais alors mon nouveau chouchou. Mario était peu réceptif à mes
avances, ma dévotion était devenue une habitude et je lui rappelais dans les moments difficiles que rien n'était jamais acquis. Quant à Toad,
nous inventions à chaque instant de nouvelles techniques pour être plus
efficaces, pas besoin de "multi-action-coop-prédéfinie" qui désignerait à l'avance nos capacités. En bon couple libre, nous étions imaginatifs et on se pardonnait très vite les petits écarts, nous partagions nos items en se transportant l'un et l'autre, échangeant les positions le plus
souvent possible. Un saut bien réglé par-ci, une tournante par-là et
sans parler de la langue de Yoshi, tout simplement divine quand il
s'agit d'avaler et de recracher. Au fur à mesure, l'entrainement et le
temps rendaient nos performances démesurées. Mais sans jamais faire de
New Super Mario Bros notre nouveau sport de chambre, l'ambiance joviale et les rebondissements incessants nous ont toujours rappelé
l'importance du plaisir partagé.

Nous partions à la recherche de pièces cachées, notre perception
était mise à l'épreuve pour découvrir les innombrables secrets que
recèle ce Mario.
Chacun d'entre nous devenait utile.
A chacun son moment de gloire.
A chacun de provoquer un suicide collectif ou au contraire de
devenir notre héros salvateur pour un laps de temps.
Et nous devons toute cette tempête d'émotions à un plombier qui
saute et saute encore... Que demande le peuple ?

sociopads