Si nombre de phrases ont marqué l'histoire de l'humanité, celle-ci a bouleversé la vie d'un petit garçon. Lâchée sous le coup de la colère de sa mère, arrivée aux limites de sa patience tandis qu'il s'évertuait à zapper les canards à l'écran, le message n'aura pas manqué de se graver dans son esprit, de s'imprimer au fer rouge dans son inconscient, marquant définitivement une voie de non-retour à l'image de celle qui a accueilli et frappé des générations entières de son "Arbeit macht Frei".

Ainsi, à l'aube de ce jour funeste, une passion est devenue un vice. Ce qui était encore la veille un plaisir, s'est transformé alors en débauche, objet de honte et de dédain. L'innocence fit place au mépris, s'insinuant en lui comme un poison, frappant sa vie d'une malédiction. Incapable de renier son amour pour une luxure désignée, il s'affarait alors à soulager ce besoin irrépressible en cachette, la nuit venue, souvent. Et comme si la souffrance de se voir réprouver un domaine auquel il se destinait n'était pas assez abominable, l'objet de son délit passionnel figurait toujours dans sa chambre, comme un paquet de cigarettes laissé à l'attention d'une résolution trop jeune, trop fragile. Soumis à la tentation, les regrets succèdaient aux crises et aux faiblesses, alimentant un déni toujours plus violent d'une partie de lui-même, refoulant au plus profond de son être une part de sa personnalité. Jamais rien, ni loisirs, ni sports, ne sont jamais parvenus à effacer le souvenir de cette âme soeur croisée. Le réflexe du doigt appuyé sur le bouton d'alimentation n'a jamais failli, sitôt la porte franchie. Petit à petit, face à tant de rechutes ressenties comme des échecs, la vie, finalement, perdait toujours un peu plus de son sens. Et puisqu'il devait se refuser l'unique chose dont il s'était épris, bientôt le chaos déborda, s'installa. Ses maigres temps libres réservés à sa dépravation, ses amis s'éparpillèrent. Sans objectifs savoureux, sa scolarité vascilla. Livré à lui-même, sans personne à qui se confier, il se referma sur lui-même. Adoptant le masque qu'on voulait bien lui faire porter, il suivait les directives, les souhaits, les espoirs qu'on lui signalait, suivant les ordres comme un zombie savant. Puisqu'il devait renoncer à la seule chose qui avait de la valeur à ses yeux, le monde ne lui apporterait jamais plus de saveur. Rien ne saurait jamais plus égaler cette intensité ressentie.

Alors, aujourd'hui, vois donc les dégâts causés, mère ! Toi qui a coupé les ailes de ton fils avant de le lancer dans le monde, contemple l'étendue de ton erreur ! Là, où cette futilité aurait pu motiver l'apprentissage des langues. Là, où cette addiction aurait permis de développer une sensibilité artistique. Là, où la superficialité aurait pu consacrer l'imagination. Toi, tu m'as préféré ta réalité du monde, celle qui a attisé les reproches, celle qui a effrité la confiance, celle qui a remis en question mon existence, celle qui a transformé mes rêves en cauchemars. Prends désormais toute la mesure de tes convictions et réfléchis aux cimes qu'aurait pu atteindre ton fils si au lieu de contrainte et d'amour étouffants tu avais préféré la confiance et les encouragements.

"Tu n'arriveras jamais à rien avec les jeux vidéo !", vraiment ? Redis-le pour voir...