De Miyamoto à Kojima en passant par Molyneux, les auteurs
ne manquent pas, à première vue, dans le domaine du jeu vidéo. Pourtant, la
taille énorme de certains studios de développement laisse penser le contraire.
Les derniers blockbusters en date, tels que Final
Fantasy XIII
ou Heavy Rain, ont
ainsi nécessité le travail de centaines de personnes. D'autant que les éditeurs,
frileux, privilégient la plupart du temps les genres classiques et les suites à
l'innovation, ce qui raréfie les titres innovants que l'on pourrait
qualifier de jeux d'auteurs.

Une comparaison avec le cinéma s'impose alors. Contrairement à
un livre, un film est un travail d'équipe (certes beaucoup moins nombreuse
qu'un studio de développement) ; mais une personne seulement, le
réalisateur, la dirige et apporte sa vision. Le statut d'auteur de Woody Allen
ou d'Hitchcock n'est ainsi plus à défendre.

A mon sens, les auteurs existent donc bel et bien dans le
domaine du jeu vidéo. Car s'ils ont certes pour certains échoué dans
l'industrie jeu vidéo par hasard, des créateurs tels que Michel Ancel, Hideo
Kojima ou encore David Cage confèrent à leurs titres une « patte »
que l'on ne retrouve pas ailleurs et qui les caractérise.

Des zones
d'ombre inhérentes au jeu vidéo

Mais l'on pourrait se demander si les choix narratifs qui
influent sur le reste de l'aventure proposés par certains titres n'atténuent
pas un peu cet aspect de jeu d'auteur, où tout a été pensé et a un sens - la fin
en particulier. Cependant, Heavy Rain,
le dernier titre en date à intégrer de tels mécanismes, balaie vite cette
crainte : l'aventure reste en partie définie à l'avance (David Cage la
considère non pas comme une ligne, mais un espace), et en même temps le joueur
façonne réellement par ses choix sa propre aventure, dont la conclusion reste
parfaitement cohérente au regard des décisions précédentes.

Les jeux
indépendants, une nouvelle forme de jeux d'auteurs

Surtout, les plates-formes de ventes dématérialisées (Steam,
Xbox Live, PSN ou encore Wii Ware), avec leurs « petits jeux » vendus
à petits prix, permettent à le nouveau les développements dits « de garage »,
à équipe et budget moindre, impossibles sous forme classique. Ainsi, des titres
tels que Braid (casse-tête aux
allures de jeu de plate-forme 2D basé sur la manipulation du temps) ou Flower (simulation de courant d'air, qui
guide des pétales de fleur) sont indissociables de leurs créateurs respectifs,
Jonathan Blow et Jenova Chen, dont les projets seront très suivis à l'avenir.

A quand la
reconnaissance ?

Mais à quelques exceptions près, et encore, les créateurs de
jeux restent aux yeux du grand public de parfaits inconnus, contrairement à
nombre de réalisateurs. Ils sont d'ailleurs peu mis en avant dans la publicité
de leurs jeux, à l'exception des interviews que certains accordent lors de leur promotion.

Car la reconnaissance des auteurs passera probablement par la
presse. Aujourd'hui, on assiste à un premier focus dédié aux créateurs de la part des sites ou magazines spécialisés (notamment à travers les interviews deJoypad ou les dossiers " Le jeu selon..." d'IG Mag), même si souvent, les
questions des journalistes sont plus portées sur la date de sortie ou l'annonce
d'un titre que leur auteur. Mais c'est surtout dans la presse généraliste (dont
le traitement du média laisse à désirer) que beaucoup de chemin reste à faire...

Malgré ses mutations et quelques titres originaux qui valent le
détour, le jeu vidéo reste encore peu mature. Mais à l'avenir, lorsqu'il
évoluera et sera reconnu à sa juste valeur, des créateurs tels que Fumito Ueda,
Hideo Kojima ou David Cage seront peut-être reconnus, sinon comme des génies,
du moins comme des pionniers.