Et ce, pour la simple et unique raison que mon analyse est filtrée à travers le prisme de mon passif de joueur Battlefield. Ayant passé de nombreuses (et merveilleuses heures) sur la série, je suis assez estomaqué de voir d'aucuns comparer Battlefield et Battlefront et surtout d'arguer que Battlefront est un "reskin", ou un mode de la célèbre série martiale au thème musical si enivrant. En effet, rien n'est plus faux et je m'en vais vous le démontrer.

Tout d'abord, avant de plonger dans l'écheveau, clarifions un aspect de ce nœud qui s'annonce pour ma foi assez gordien : Battlefront est un excellent jeu. Le gunplay est intuitif et nerveux, le Time to Kill est raisonnable, les armes sont assez différentes pour servir différentes utilisations et assurer un équilibrage décent (certaines sont excellentes au corps à corps, certaines brillent à partir d'une certaine distance, certaines sont correctes dans toutes les situations, mais n'excellent nulle part…), les graphismes sont beaux, l'ambiance sonore est l'une des meilleures jamais entendues dans un jeu vidéo, le map design est décent et le contenu n'est pas si rachitique que ça (l'absence de mode solo n'étant pas un défaut à mon sens, à partir du fait que c'est un choix assumé depuis le début de la série).

Ce qui manque à ce jeu pour moi, c'est de la profondeur. La profondeur, ce ne sont pas les cartes annoncées dans le 'season pass' ou d'éventuels modes de jeu futurs. La profondeur se conçoit dans l'essence même du gameplay. Elle est soluble (ou pas) dans les mécaniques de jeu. SWBF n'a pas suffisamment gratté son magnifique vernis, sa moelle n'est pas très substantifique, ni très roborative.

Vous cherchiez un jeu aussi profond qu'un Battlefield, aussi riche, aussi subtil et récompensant vos talents et votre investissement avec un "skill gap" conséquent entre le profane et le joueur confirmé ? Obi Wan vous le dira, passez votre chemin : Battlefront n'est pas  le jeu que vous recherchez.

Si vous avez tenu jusqu'ici, sachez vous pouvez encore décrocher. Cette analyse va être longue, subjective, bourrée d'anglicismes et de termes techniques que seuls les "stat whores" de Symthic.com reconnaîtront. Mais nous allons démontrer pourquoi Battlefront n'est pas un très bon Battlefield et en est même assez loin.

'Skill Gap', 'Skill ceiling', 'base spread' et Jeanne Mas

Niklas Fegraeus, Design Director sur Battlefront, l'avait confié à Jackfrags. Battlefront ratisse large. Un jeu pour la communauté Star Wars et la communauté BF. Ce que notre bon ami Niklas ne dit pas. C'est que SWBF vise d'abord les fanas de Star Wars et ensuite seulement, les férus de Battlefield.

Les profanes ne parviendront même pas à faire la différence entre les deux séries. Mais dès la bêta, le joueur averti aura constaté  plusieurs choses. Tout d'abord, le 'base spread' (dispersion de vos balles quand vous tirez en continu) est ridiculement bas dans SWBF alors que dans BF, il existe en trois déclinaisons : position debout, agenouillé ou couché (voire 4 avec un bipied). Dès lors, le "burst fire" ou "tap fire" (tirer deux ou trois balles pour mater le recul et conserver une précision à distance) est obsolète. Premier clou dans le cercueil du skill gap, ce fameux fossé entre "noob" et joueur décent. L'absence d'attachements canon majore ce défaut, sachant que dans la série des Battlefield, la balistique est tellement poussée que l'ajout d'un simple frein de bouche ou poignée inclinée peut changer drastiquement le comportement d'une arme.

Passons au malus de tir au jugé. Sur BF, certaines armes s'en tirent bien mieux au niveau "hip fire" ou "tir depuis la hanche" que d'autres de par leur design. Comme dans la réalité. Un PDW est bien plus maniable sans devoir viser par le réticule, pareil pour un fusil à pompe, voire un fusil d'assaut Bullpup (avec le chargeur derrière la détente, fusil compacté sans pour autant perdre de la longueur de canon comme la FN F2000). Ajoutez un viseur laser sur une FN P90 par exemple et vous avez une arme fatale au corps à corps, avec le dixième de seconde d'avantage sur vos adversaires qui doivent, eux, passer par l'aim down sight pour tirer avec précision. SWBF ne daigne pas s'intéresser à ces problématiques. Tirer en ADS ou en hip fire ne change rien sur aucune arme.

Jedi mind trique

Pas de malus non plus sur le tir en mouvement. Là où un BF vous permet d'avoir un style de jeu différent avec le bon attachement en sautant partout et en tirant au pompe ou une approche plus posée avec un bipied, SWBF ne s'embarrasse pas de recul ou de spread et ne cherche pas à se compliquer la vie avec une balistique poussée ou une vélocité de projectile. Après tout, ce sont des Storm Troopers qui tirent et la précision n'a jamais été leur fort dans le lore de Star Wars n'est-ce pas ? Et puis le fait que l'ASM1 et la BAL 27 soient outrageusement 'OP' (au point d'être en désavantage en utilisant n'importe quelle autre arme) n'a pas empêché COD Advanced Warfare de se vendre par palettes entières…

Mais le manque de profondeur du gunplay ne sont pas les seuls griefs à l'encontre du dernier né de DICE Stockholm. Loin s'en faut. SWBF a pris le pari de la facilité et de l'accessibilité au détriment de la plénitude. Nous n'allons pas nous attarder sur le choix de bonus à ramasser par terre pour les véhicules qui ne permet pas la spécialisation (là où sur un BF, la prise de certains points sur la carte est stratégique pour ne pas donner des véhicules à l'ennemi, comme l'hélico d'attaque sur D dans Transmission Pirate sur BF4 par exemple, ou l'anti-aérien sur Bravo dans Paracel Storm). Jamais vous ne verrez de joueurs louer des serveurs à l'année pour le mettre en 3200 tickets sur Shaghai avec comme message "Heli for admins only" et s'entraîner, s'entraîner, s'entraîner avec le Havoc. SWBF n'a pas un "skill ceiling" (plafond de talent) très haut. Vous savez appuyer sur le bouton 1 de la souris ou sur la gâchette de votre console ? Vous savez jouer à Battlefront. Savoir interpréter la mini-carte est un plus, mais pas essentiel non plus. À se demander s'il existe même un plafond à atteindre.

Call of Battlefront Duty

Dans un BF, la première chose qui fait la différence entre un bon et un mauvais joueur, ce ne sont pas les réflexes comme sur un COD. C'est la "situation awareness". Ou comment savoir en permanence ce qui se passe autour de vous afin d'avoir un coup d'avance sur vos ennemis. Plusieurs petites choses vous aident à acquérir cette  fameuse 'SA'. La mini-carte (les ennemis flashent dessus en tirant, sauf s'ils utilisent un silencieux), la grande carte (Delta est contesté ? cela veut certainement dire qu'ils vont spawner tout autour du point), mais aussi les sons. Entendre un "Ija Baida" alors que l'on est russe veut dire qu'un medic chinois vient de lancer une trousse de soin pas très loin de notre position actuelle. Vous venez de tuer un ennemi et vous entendez "Ils ont eu un de nos gars!", alors cela veut dire qu'un autre ennemi est juste à côté. Vous êtes en char et croisez une escouade avec un ingénieur, un éclaireur et un assaut ? Tuez l'ingénieur en premier (roquettes) l'éclaireur en second (C4) puis l'assaut en dernier par ordre décroissant de menace potentielle. Vous passez devant un immeuble et entendez un parachute se déployer derrière vous ? retournez vous ! Vous allez vous faire "Batmaner". Dans SWBf, on n’entend même pas les bruits de pas dans la cacophonie ambiante où se mêlent les sublimes bruitages et la musique épique.

Là encore, ce n'est pas le défaut le plus rédhibitoire du jeu. Mais nous y arrivons. Et il est double, le bougre : l'absence de système de classes et l'absence d'escouades. Car la pierre angulaire d'un Battlefield, son véritable cœur, c'est le Team Play. 

Battlefield est construit comme un jeu de rôle. Chaque membre de votre escouade a une fonction définie. Dans un affrontement de 64 joueurs, une escouade de 4 bidasses bien organisée avec un bon chef et un commandant qui sait lire une carte peut faire la différence.

Postez un médic pour remettre sur pied les blessés, un soutien pour donner des munitions et bloquer les accès avec des explosifs et des mines, un ingé pour les roquettes et un recon pour spotter les véhicules ennemis sur une tour en face du déploiement ennemi et vous allez handicaper totalement les armures adverses sur toute la partie.

Une escouade de 4 médics qui se suivent et se "revivent" dans les tunnels et sur les toits de Zavod est virtuellement indestructible. Un tankiste compétent suivi d'un ingénieur réparateur et surveillé par un équipier sniper qui verrouille les cibles depuis sa colline est une vraie plaie pour l'équipe adverse. Si on ajoute à cela un chef d'escouade qui donne ou relaie les ordres du commandant pour débloquer les améliorations terrain (le medic revive à 100 de vie sans avoir à charger ses défibrillateurs, le sniper débloque la compétence "ombre" qui lui permet d'être plus difficilement 'spottable' par l'ennemi, le soutien possède désormais trois mines anti-personnel et peut bloquer tous les accès à une zone à lui seul etc) et vous parvenez à un nouvel échelon ludique. Vous jouez vraiment à Battlefield. Une série dotée d'une vision.

Vous vous demandez certainement pourquoi je parle autant de BF et pourquoi j'ai négligé SWBF dans cette analyse. Et bien la réponse est très simple : rien. Il n'ya rien à dire. Il n y'a pas de système de classes. Il n'y a pas d'escouade. Pas de chef, pas de commandant, pas d'entraide entre joueurs. Pas de possibilité de réparer les véhicules ou de soigner ses alliés. Il ya un bouton pour tirer et un autre pour viser. Mais viser ne vous apportera pas de précision en plus. Après plus de 1100 heures sur Bf4 je ne sais toujours pas sniper et je ne peux pas tenir 5 minutes en avion ou hélico. Il me faudra sans doute un bon millier d'heures de plus. Pas grave. Le plafond est haut, mais je m'investirai. Et si je n'y arrive pas et bien… je jouerai à Battlefront.

 

La merguez apprivoisée