Cette semaine un pan de l'histoire du jeu vidéo à refait surface et raisonne fortement dans le coeur des gamers ayant connu les années 80 et 90. C'était une autre époque où Sony n'existait pas encore en tant que constructeur de console et où Sega et Nintendo s'affrontait sur le marché des 8bits-16bits. Les images de la SNES PlayStation publiées par Dan Diebold ont ému pas mal de gamers et soulevé une question légitime : et si la SNES PlaysStation avait réellement abouti ?

Une chose est sure, le marché des jeux vidéo serait bien différent. Le divorce entre Sony et Nintendo appelle une autre question : l'échec relatif de la WII U a réveillé chez moi le souvenir des choix stratégiques douteux de Nintendo, une firme qui alterne entre coup de génie et gros flop. Je me souviens du cdi de Philips, le Virtual Boy, dans une certaine mesure la N64 qui a raté le coche du cdrom, puis la Game Cube (ultra séduisante) mais le mal était fait, les éditeurs avaient pris le large vers la sirène Sony et la grosse Bertha Microsoft.

La réapparition du prototype SNES PlayStation, nous téléporte à un point majeur de l'histoire des consoles. Nintendo brise son partenariat avec Sony pour la construction d'un lecteur cd-rom et choisit pour partenariat Philips qui enfantera le fameux CDI, une console multimédia 16 bits qui commettra 3 jeux Zelda d'une qualité vidéo ludique exécrable (le Joueur du Grenier vous en convaincra).

Encore un choix stratégique malheureux de Nintendo. Mais en sommes-nous si sûr ? C'est que cet article va tenter de mettre en perspective

I. Sony et Nintendo : un fructeux partenariat. 1988-1991

Le partenariat entre Sony et Nintendo commence lorsque Sony développe le processeur audio de la Super Nintendo. Créé par Ken Kutaragi, le SPC 700 était l'atout majeur de la jeune console 16bits et offrait un son stéréo sur 8 canaux proche de la qualité d'un cd audio tandis qu'à la même époque la Mégadrive (sortie 2 ans plutôt en 1988), n'émettait qu'un son 8bit assez sommaire. (Pour vous en convaincre comparez l'écran titre d'Aladin sur Megadrive et SNES)

Nintendo fut assez satisfait de cette première collaboration pour envisager un partenariat plus important avec Sony afin de créer un lecteur cd-rom pour la console. Une extension (comme le Mega Cd de Sega) estampillée "Nintendo", le SNES-CD, qui devait voir le jour en même temps qu'une version stand-alone mais estampillée cette fois-ci "Sony", le SNES PlayStation.

Le projet PlayStation fut présenté en juin 1991 au Consummer Electronic Show. Mais le lendemain de cette annonce, Nintendo annonce désormais un partenariat avec Philips. Ce volte-face humiliant pour Sony s'explique par la réaction de Hiroshi Yamauchi le boss de nintendo à la lecture des termes du contrat de 1988 entre Sony et Nintendo.

Sony était particulièrement gourmand dans les termes du contrat, réclamant les droits exclusifs sur tous les jeux SNES CDROM et donc le bénéfice total sur la vente de chaque jeux même ceux produits par Nintendo. Le partenariat était clairement à l'avantage de Sony, une compagnie qui n'avait pas d'expérience dans le marché du hardware console. Si Nintendo acceptait, elle dépendait de Sony pour la production du hardware mais aussi pour la diffusion des jeux. Inacceptable. Sony voulait se servir de Nintendo comme tremplin pour se lancer dans le marché des consoles.

Nintendo choisit donc Philips qui offrait des termes plus avantageux pour Nintendo.

Sony n'abandonna pas les travaux pour autant et fit du projet une console à part entière, la "Play Station". Le premier modèle est présenté en octobre 1991, 200 modèles furent produits. Nintendo attaqua Sony justice pour enfin aboutir en 1992 à un accord : La Play Station pouvait garder sa connectique SNES à condition que Nintendo puisse garder les droits sur les jeux. Mais décision fut prise de Sony d'abandonner ce premier prototype, la Snes montrait ses limites, en 1993 on renouvelle le projet pour en faire une console 3D nouvelle génération.

II. Le cd-rom au tournant des années 80-90 : un faux départ ?

Pour bien comprendre la genèse du Play Station de Nintendo-Sony, il faut poser le contexte de multiplication d'add-on cd-rom aux consoles 3ème génération.

Le cd-rom n'aura de véritable intérêt qu'avec les vraies 32bits. Disons que l'intérêt de coupler une console 8-16bit à un cd-rom était d'apporter des FMV (full motion vidéo) ou un son de qualité cd. Hormis ces deux avantages, le cd rom n'apportait pas un surplus de puissance graphique pour l'époque en tout cas pour maitriser la 3D alors naissante dans les salles d'arcade.

PC Engine sorti une extension cd-rom à sa console 8bit-16bit dès 1988 au japon puis sous la forme d'un stand-alone en 1991 sous le nom de PC Engine Duo. Elle eut un modeste succès au japon et fut un échec à l'extérieur.

Sega suit le mouvement en proposant à sa vraie 16bits la Megadrive, le Mega-Cd en 1991. L'add-on n'apportait pas grand-chose hormis les FMV et le son qualité CD l'expérience de jeu ne différait pas des jeux Megadrive. Plus tard, le 32X apportait des capacités 3D convaincantes au Mega-Cd (Virtua Racing, Virtua Fighter, Star Wars Arcade en témoignait) mais sorti trop tard et en même temps que la Saturn, ce fut un échec.

On peut multiplier les exemples d'échecs de ces consoles 16bits avec cd rom : le cdi de Philips, le commodore CDTV etc...

III. Et si, le SNES PlayStation avait vu le jour ?

On peut donc penser que l'add-on SNES PlayStation n'aurait pas offert quelque chose de sensiblement différent. Le SNES Playstation était une classique SNES couplé à un lecteur de cd-rom qui lisait un standard spécialement créé par Sony le Super CD. On ne peut pas dire que l'appareil offrait un nouvel hardware (l'étude du prototype infirmera ou confirmera mes dires), le format cd apporterait une capacité de stockage plus conséquente pour des FMV et des pistes audio de qualité cd. Le SNES PlayStation n'aurait surement pas fait mieux que le MEGA CD. D'ailleurs les premiers jeux pressentis pour l'add-on de Sony Nintendo étaient décevants. Le titre 7th Guest était un jeu de Puzzle agrémenté de FMV avec de vrais acteurs, mais le jeu était terriblement pauvre au niveau du gameplay. Difficile donc de prévoir un succès ou de vendre une nouvelle console avec un tel line-up.

Ironie du sort, si le SNES PlayStation avait vu le jour, cela aurait pu éjecter Sony du marché des consoles pour de bon. Si Nintendo ne s'est pas retiré à la dernière minute, le SNES PlayStation serait sorti sur le marché et probablement suivi le même chemin que le MegaCD de Sega et le Pc Engine ProDuo de NEC. La version stand-alone de la SNES PlayStation était plus mis en avant comme un produit Sony qu'un produit Nintendo, donc Nintendo auraient pu se détacher de l'image du système sans trop de peine et de dégats. Par contre, Sony aurait à assumer complètement l'échec. On peut supposer que le temps passé à transformer le Play Station en un succès aurait empêché de travailler sur un nouveau projet 32 bits novateur. Sony aurait manqué le début de la révolution 32 bits, laissant à Sega et Nintendo le champ libre pour la 4ème génération de console.

Conclusion :

En cela, l'histoire du jeu vidéo aurait été différente et pas à l'avantage des joueurs. On ne peut que saluer Sony d'avoir su remobiliser leur ressources pour le projet d'une console 32 bits avec une orientation clairement 3D, un timing parfait, 1993-1994 l'engouement pour le Cd-Rom s'était essoufflé au profit de la 3D qui triomphait dans les salles d'arcades (Virtua Fighter, Ridge Racer, Tekken). Sony arrivera à négocier le double virage du cd-rom et de la 3d pour notre plus grand bonheur.

Pour Nintendo, le magazine Nintendo Power en 1993 disait « " La prochaine fois que quelqu'un vous dit que le CD -ROM est le futur répondez-lui que l'avenir n'appartient pas aux escargots . " La citation fait référence aux temps d'accès du CD-ROM assez lent par rapport à la ram des cartouches, Nintendo poursuivit alors avec les cartouches pour la N64. Cette malheureuse aventure a sans doute persuadé Nintendo de garder le contrôle sur le support des jeux, au lieu de le confier à un partenaire extérieur. C'était synonyme de perte de bénéfices et une situation de dépendance difficilement acceptable. Cette partie de l'histoire vidéoludique nous éclaire donc un peu plus sur les raisons qui poussèrent Sega à développer son propre support le GD-ROM ou Nintendo pour son Game Cube en développant le DISQUE OPTIQUE NINTENDO et encore Sony qui utilisa ses propres supports propriétaires (Rappel de la guerre du BLURAY contre HDDVD).

Sources

Enorme article de MO5: https://mag.mo5.com/actu/12123/chronique-un-cd-rom-pour-la-super-nintendo/