Salut à toi Platon21 ! Pour ceux qui ne te connaissent pas, peux-tu te présenter ? Qui es-tu ? D'où viens-tu ? Où vas-tu ?

-Bonjour Gandalfleblanc, derrière le pseudo Platon21 se cache Benjamin Berget, passionné de Rétrogaming avec l'association bourguignonne « Replay », mais aussi journaliste en presse papier surtout (RetroPlaying Magazine, Rétro vers le futur, Games History, etc.), parce que le web j’ai un peu lâché. A part mon blog, évidement, et le nouveau magazine numérique [gi:k] sur iPad, dont j’ai réalisé 100 pages sur Shenmue. 

Je viens de sites web dédiés à la culture « jeux vidéo », mais le problème, c’est qu’il y en a tellement – quand on part du néant ou presque comme moi – qu’on a la sensation de bosser dans son coin, de ne pas être lu.

Où je vais ? Au bar-tabac…

Pourquoi avoir choisi Platon21 comme pseudo ??

-J’ai fait des études de philo, mais rassurez-vous je n’ai pas la prétention de me prendre pour lui. Je précise que je déteste son principe « d’arrière-monde » où les âmes résident, et qui sera repris par les chrétiens. Mais il a tellement apporté à la culture occidentale qu’il représente LE philosophe, une icône. Et c'est bon de prendre une icône et de lui faire dire des conneries, parfois !

D'ailleurs, il me semble que tu as fait tes études à l’Université de Bourgogne, c'est bien ça ? Tes mémoires portaient sur le jeu vidéo ?

-J’ai un Master de philo, mais non, en fait. J’ai mis ma passion pour le jeu entre parenthèse pendant mes études. A présent, Je suis en quelque sorte en train de faire mon « doctorat » en publiant une série de trois livres sur « L’histoire des jeux vidéo polémiques ».

Pourquoi trois tomes, et pas directement un seul ?

-Personne n’aurait accepté de m’éditer si je m’étais pointé avec un pavé. Rendez-vous compte : je débarque de nulle part, le premier fait 275 pages, le second 325 environ, le dernier tout autant... Et il faut savoir que je négocie ferme avec l’éditeur pour tirer le prix le plus bas pour le lecteur.

Mais au-delà de l’aspect du prix, mes volumes peuvent se lire de façon autonome, ou former un tout. Je laisse le choix au lecteur, suivant ses goûts. Si je schématisais à mort, ce serait : les jeux érotiques pour le premier, les Survival horror pour le second, et les FPS  pour le dernier.

D'ailleurs le tome 1 est paru chez Pix'n Love il me semble ?

-Oulah ! On touche un point sensible! Je me demande même si je ne vais pas écrire un bouquin sur les conditions de publication de mon travail...

Blague à part, j’ai débuté la rédaction du premier volume il y a quatre ans, si ma mémoire est bonne. A l’époque, j’étais inconnu au bataillon, j’avais encore tout à prouver, et j’ai été contraint de me tourner vers l’édition indépendante.

Aujourd’hui, mon travail commence à être reconnu, et est même distribué par Pix’n Love. Je participe également au Mook régulier Pix’n Love en tant que pigiste.

Le tome 2 est prévu pour quand ?

-Le deuxième volume de « L’histoire des jeux vidéo polémiques » est encore en préparation chez l'éditeur, mais sa sortie est proche, je dirais 2 mois environ. Je me suis intéressé au sadisme avec notamment Manhunt, Mortal Kombat. Ce volume traite également de la peur et du gore avec Resident Evil, Silent Hill. Un doigt d'horreur, quelques pincées de torture, et voilà !

Pour en revenir deux secondes sur la philo, c'est quelque chose qui te passionne depuis quand ?

-J’ai eu la chance d’avoir un prof de lycée compétent, qui m’a fait découvrir les philosophes des Lumières, qui luttaient contre les dogmes religieux et le pouvoir monarchique.

La philo, c’est pas une matière parmi d’autres pour moi. Au point que je pense que l’enseignement de la philo devrait être obligatoire pour toutes les sections au lycée.

Je suis triste pour toutes les personnes qui n’ouvrent jamais un bouquin simplement parce qu’elles ne disposent pas du bagage réflexif suffisant pour comprendre – même si je sais que d’autres approches sont possibles, comme Sartre et Camus l’ont prouvé avec le théâtre. 

La culture Geek s'est aussi emparée de la philosophie. Matrix est passé par là...

Matrix repompe pas mal Platon avec ses réalités parallèles ^^

Les films / séries / jeux vidéo grand public peuvent être de bonnes entrées en matière, mais ce n’est pas suffisant. Ce sont à la base des produits de consommation de masse, planifiés, fabriqués et distribués de manière industrielle à l’échelle mondiale. Je suis heureux que certains producteurs prennent le risque d’introduire de la philo, mais pour moi, l’essentiel se joue ailleurs : au niveau des studios indépendants.

Peux-tu donner des exemples ?

Il n’est pas question de trouver une critique sociale ou politique (entre autres thèmes) dans les jeux vendus chez Carrefour, ou alors ce sera à la marge. Et quand la critique se fait trop grinçante, hop : coup de ciseaux ! « South Park : Le bâton de la vérité », s’est vu censuré par l'éditeur Ubisoft pour ne pas voir le jeu retiré des supermarchés.

Sur quoi portait l’objet de la censure ?

Les scènes « anales » - où pour les censeurs, il est obligatoirement question d’apologie de l'homosexualité.

Et les scènes d’avortement, un sujet redevenu « sensible » en Europe puisque l'Espagne a adopté le 1er février 2014 un projet de loi visant à n’autoriser l’IVG (Interruption volontaire de grossesse) qu’en cas de viol ou de danger grave pour la santé de la mère.

En France, des catholiques ont manifesté pour réclamer les mêmes restrictions contre l'IVG. On trouve parmi leurs rangs les mêmes associations conservatrices qui étaient contre le « mariage pour tous ». Le pape François a d'ailleurs apporté son soutien aux manifestants. Et voilà « South Park : Le bâton de la vérité » censuré chez nous.

Je vais me faire l'avocat du diable. Ubisoft produit aussi Assassin's creed, dont le scénario des premiers dresse un portrait peu glorieux des agissements de l'Eglise, et produit aussi Watchdogs, ayant pour thématique l'hyper connectivité, la manipulation et la surveillance des masses par des multinationales !

Bien sûr. Je n’ai pas dit qu’il n’y avait pas d’initiatives intéressantes dans les jeux destinés au grand public. Mais elles sont tellement rares, et puis, Assassin's Creed  comporte combien d'épisodes et de DLC ? La cohérence est noyée par et pour le fric.

Watchdogs ? Pourquoi pas, il faut essayer.

Et ton amour du jeu vidéo date de quand ?

-Du jour où j’ai empoigné le stick de la borne d’arcade Solar Warrior  (1986) de Taito dans un bar. Il fallait diriger un cosmonaute du futur qui déambulait à pied dans un décor qui défilait horizontalement en 2D. Le but était basique : tirer à répétition sur toutes les formes extraterrestres qui envahissaient l’écran, jusqu’au Boss de fin.

Après une partie, de la sueur me dégoulinait sur les joues, les cheveux se collaient par paquets sur mon front trempé. Mes jambes tremblaient toutes seules, mais je vous rassure, ce n’était pas une crise d’épilepsie. J’avais un orGAsME, une jouissance liée non pas au sexe, mais à la découverte du plaisir fondamental que pouvait procurer le jeu vidéo.

Ce plaisir a perduré jusqu'à aujourd'hui ?

-La question se pose alors que le jeu vidéo grand public a pris la direction de la simplicité d’approche : balisage de la carte, sauvegarde automatique, progression assistée et récompense systématique toutes les cinq minutes, pour tenter de convertir les ménagères.

Aujourd’hui, je trouve mon bonheur plutôt dans les productions indépendantes : Blueberry Garden, Flower, Dreamside Maroon, Braid, A Reckless Disregard for Gravity, The Company of Myself, Limbo, Dys4ia…

Les grosses machines sur PS4 / Xbox One me laissent froid pour le moment. De même pour la Wii U, dont on attend toujours qu’elle fasse ses preuves.

Tu oublies que même la difficulté s'adapte automatiquement au joueur, ce qui a tendance à la niveler par le bas !

-Prends des jeux indés : Crimzon Clover, Hotline Miami, The Binding of Isaac... Leur difficulté n’a rien à voir avec les Blockbusters auxquels on est habitué.

De plus, les stratégies commerciales des éditeurs sont éc½urantes, certains poussent le bouchon à vendre un DLC qui débloque tout le contenu que tu aurais pu gagner gratuitement en prenant ton temps. D’autres te vendent en DLC un mode « difficile », ou bien la « vrai » fin du jeu… On marche sur la tête, là.

Mais le dosage de la difficulté n’est qu’un facteur parmi d’autres que j’ai cité. Je prends beaucoup de plaisir à découvrir les « jeux à message » du studio Molleindustria, et d’autres : PeaceMaker (la résolution pacifique du conflit israélo-palestinien), Papers, Please (la laborieuse politique d’immigration en Occident), Mighty Jill Off (les problématiques du genre sexuel), Prison Architect (gestion d’une prison, du personnel et des condamnés), Cart Life (la précarité du monde du travail), Food Import Folly (les dérives du marché alimentaire), September 12th (la lutte contre le terrorisme par la guerre armée parait vaine), Defcon (enjeux et conséquences d’une guerre thermonucléaire).

Que penses-tu de Brothers ?

Sa difficulté est effectivement progressive, mais il fait partie des « petits » jeux que j’aime pour d’autres raisons : son univers graphique, son histoire où la mort est présente. C’est une bonne surprise. Et c’est là un critère essentiel : qu’un jeu parvienne à me surprendre.

Benjamin BERGET

 

La deuxième partie de cette interview sera bientôt disponible.

 

Voici la couverture du deuxième volume de "l'histoire des jeux vidéo polémiques" à paraitre fin mai chez l'éditeur :

Et pour le site de Benjamin c'est ici !