Il est désormais légitime de se demander si le jeu vidéo a le pouvoir de porter un réel message, une idéologie, de provoquer des émotions. Peut-il influencer la vision que nous avons du monde, notre propre réflexion sur la vie ?

  La musique, la littérature ou le cinéma sont réconnus aujourd'hui pour cela, et c'est aussi ce qui leur donne cette importance et cette portée nécessaire au développement humain. Ces différents moyens d'expression artistique ont aussi une puissance fédératrice importante, parfois au point de sembler avoir une âme à part entière.

 Le jeu vidéo est pour certains un art, d'autres un pur loisir a but mercantile. Certains diront les 

2.

Nous sommes en droit de nous demander si malgré cette maturité qu'il semble atteindre aujourd'hui, si tout simplement il ne manque pas d'ambition

  Le but de cet article est de proposition une vision et un ressenti sur ce que me semble être devenu ce loisir, et il est conseillé de l'envisager comme une profession de foi.

 

 

 

LE COMMENCEMENT

 

 

 

 

  Il y a quelques années, il est de fait que le jeu vidéo étai considéré comme un loisir enfantin ou tout simplement de niche.

  Les passionnés n'avaient pas forcement les moyens actuels pour faire vivre leur passion, et étaient tout simplement tributaires des d'éventuels contacts avec d'autres initiés, et ne pouvait donc obtenir les informations nécessaires quant à ce medium que par la presse spécialisée papier.

  Quel « ancien » n'a pas lu et relu Tilt, Joystick, Joypad, Player One ou autre Console + a rêver devant des vignettes laissant entrevoir la beauté de ces pixels réveillant en chacun de nous les plus folles espérances ?

  Ces jeux, si minimalistes qu'ils peuvent paraître aujourd'hui, faisaient régulièrement la part belle à des trouvailles de gameplay ingénieuses et l’immersion dans des univers inédits sortis tout droits de la tête des premiers vrais créatifs vidéoludiques.

  Le plaisir ludique a permis ainsi à toute une génération de se créer des souvenirs, des émotions, qui sont au final des facteurs indéniables du développement humain. Les premières années de notre vie sont d'ailleurs rythmées par l'apprentissage par le jeu.

  Il est indéniable que les premiers joueurs sont en règle générale nostalgiques de cette époque , et ce tout simplement car le jeu vidéo leur provoquait des émotions, que ce soit par l’expérience qui leur était proposée, l’imagination engendrée par les possibilités matérielles ou par l'envie de voir plus loin, d'envisager constamment son évolution comme une promesse d'avenir doré.

 

 

INTERNET BLITZKRIEG

 

 

 

 

  De nombreux facteurs ont engendré la mutation de ce medium. L'évolution technologique bien sur, mais aussi l'accroissement constant du nombre de joueur et donc du potentiel commercial.

  Les guerres entre constructeurs ont tenus de nombreux joueurs en haleine et prouvé que le secteur n'était pas exempt de dynamisme et d’intérêt.

  Cependant, la réelle rupture s'est produite avec l'avènement du web, laissant émarger de nouveaux canaux d'informations et de communication et bien sur proposant de nouvelles expériences grâce au jeu en ligne.

  Les éditeurs nous abreuvent depuis d'annonces et de contenus, la presse se dématérialise permettant à quiconque d'être informé comme il le souhaite, et le multijoueur online a pris ses droits face aux LAN et soirées entre amis.

  Devant cette multiplicité des informations et des produits, ne doit-on pas se demander si le joueur n'a pas le sentiment d'être perdu, ou tout simplement de ne plus trop savoir ou le jeu vidéo va continuer sa course ?

  Dans les débuts, il était clair que ce medium avait le potentiel d'être un art à part entière, ce qui pour beaucoup est le cas, et il était facile de faire abstraction de l’aspect mercantile qui pourtant était déjà bien présent.

  Les innovations ,le web et la course à la puissance proposent de nombreuses alternatives, mais la création du besoin nécessaire à toute logique commerciale a selon moi eu l'effet de déshumaniser à petit feu cette relation particulière, que certains qualifieront d'intimiste, que nous entretenions avec nos jeux .

  Le jeu vidéo serait-il alors devenu un pur produit mercantile, et ce au détriment des émotions et du désir d'exprimer une vision?

  Cela impliquerait que la dimension artistique serait condamnée à mourir à petit feu ?

 

INVICTUS

 

 

 

 

  La direction que prennent les événements n'est cependant pas absolue et le fatalisme ne doit pas être de rigueur.

 

  L'émergence des jeux indés façe à l'hégémonie des jeux à gros budgets en est un premier exemple.

  Le retour au source que ce soit en terme de prise de risque narrative, de gameplay ou artistique opérées par ces passionnés, ou tout simplement le simple désir d'expression d'un message, rééquilibre la balance. La route est cependant semée d’embûches pour David face à Goliath. Les difficultés budgétaires et la difficulté de mise en avant de leur ouvrage face à de jeux AAA tue régulièrement dans l’oeuf leur entreprise pourtant louable.

 

  Les plate formes de financement participatives telles kickstarter permette cependant à certains de faire aboutir leur projets, et c'est donc par des joueurs que leur jeu peut voir le jour, tout comme ils peuvent décider de la mise en visibilité d'un jeu via Steam Greenlight.

 

  Mais là ou l'on peut dire que le joueur se réapproprie ses droits, c'est via son propre processus créatifs.

  L'émergence au fils des années de nombreux supports d'expression ont permis de démontrer que malgré que le jeu vidéo soit au départ un produit destiné à la vente, sa réussite comme sa dimension artistique tient plus de l'engouement d'une communauté envers le jeu, que des calibrages de l’½uvre dans une optique commerciale .

  Le web déborde aujourd'hui de blogs, fanarts, fanfics, fanfilms, youtubbers, streamers... etc. Le joueur souhaite faire entendre sa voix, et c'est par lui que certains jeux développent leur réel potentiel, peuvent trouver une nouvelle jeunesse ou intérêt. On peut alors dire que grâce à cela le jeu vidéo s'en ressort grandi, avec une magnificence toute renouvelée.

 

  Des jeux tels Minecraft, par exemple, ne seraient sûrement pas le même sans les apports constants de sa communauté.

 

  On est cependant en droit de se demander si cette relation n'est finalement pas qu'en sens unique. Le joueur est-il réellement entendu ?

 

 

MENAGE A 3

 

 

Certains éditeurs sont très à l'écoute leur communauté, cela est un fait, et d'autres moins.

Il n'est pas rare aujourd'hui de pouvoir participer aux betas-test, faire remonter son ressenti via les forums ou les réseaux sociaux, tous comme les créations des joueurs.

Il ne faut cependant pas perdre de vue qu'outre le fait de proposer un jeu de qualité, le but est bien sur d'avoir un produit rentable et reconnu, ce qui est tout a fait légitime car le jeu vidéo doit se vendre pour exister,

 

  L'émergence de l'esport est un exemple de cette relation. Internet a permis sa mise en lumière, et c'est pour un éditeur une certaines consécration, la promesse d'avoir son jeu sur le devant de la scène ,et donc un intérêt commercial non négligeable. Cela permet aussi aux joueurs de devenir des acteurs de la sphère videoludique, certains progamers étant considérés comme des stars.

  Certains peuvent même vivre de leur passion en fonction des cashprizes remportés.

C'est d'ailleurs dans l'interet des créateurs, car cela permet d'avoir la possibilité de promouvoir un jeu via un visage, un nom et donc d'humaniser la mise en valeur du produit.

  Le jeu vidéo a souvent été comparé dans sa démarche narrative ou de mise en scène au 7e art, mais la starification est aussi pour le cinema un formidable moyen de promotion. Les studios de cinema ayant les mêmes objectifs au final qu'un éditeur.

 

 

  Il existe cependant un acteur tiers qui toute son importance. La presse vidéo-ludique possède un rôle majeur, et les 3 acteurs sont totalement inter-dépendants. Le joueur a besoin de la presse qui a besoin des éditeurs. Les éditeurs ont besoin de la presse qui a besoin des joueurs.

  Ces acteurs la la presse spécialisée permettent d'ailleurs d'avoir leur créations et leur point de vu en visibilité, voire même jusqu'à l'intégrer pour certains dans la ligne éditoriale.

 

  La relation n'est donc pas uniquement unilatérale. Mais au final, il est important de savoir ce qui aujourd'hui doit être important dans le jeu vidéo et vers quoi il doit aller.

 

LE SALUT VIENT DU JOUEUR

 

 

Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible »

  Antoine de Saint-Exupéry 

  Au début de cet article, il est énoncé que certaines ½uvres semblent être pourvues d'une âme, notamment du point de vue de leur portée et de leur puissance fédératrice.

  Il apparaît que ce pouvoir est finalement conditionné par l'humain, par la relation entre le créateur et ceux qui reçoivent son message.

  Le jeu vidéo doit donc considérer son avenir sur ce concept. Il est indispensable que les éditeurs puissent vivre de leur créations, tout en proposant une expérience renouvelée, tant par le gameplay, la narration que l'évolution technologique.

  Le joueur quant à lui doit continuer à faire entendre sa voix et ce de la manière la plus constructive et créative qu'il soit.

  Mais le jeu vidéo aura-t-il pour autant une « âme » ? un réel impact sur la portée de la pensée humain ?

  Il semble que nous n'y soyons pas encore. Pour cela, les produits qui nous sont proposés sont aux balbutiements d'une portée idéologique élévatrice. Il est donc nécessaire de développer des axes et des méthodes de narration différentes, personnelles voire engagées afin de permettre au jeu vidéo aujourd'hui de dépasser le stade de divertissement.

  Certains jeux s'y aventurent déjà, notamment les jeux de Quantic Dreams, ou des titres comme Brothers ou Ico. Ils apportent chacun à leur manière une consistance et une portée supplémentaire au médium.

  Pour certains l’intérêt n'est pas réellement justifié, le jeu devant rester un divertissement avant tout.

  Les possibilités offertes par l'interactivé et les possibilités techniques permettent cependant de magnifier ce support, et il serait décevant de ne pas l'utiliser à des fins plus nobles.

  Il est aussi important de conserver cet aspect fédérateur dont dispose le jeu vidéo aujourd'hui afin de consolider les visions et messages des ½uvres.

  Cette consistance vient du joueur, via sa passion et ses créations, qui permettent au final de d'orienter et de magnifier la portée artistique et ludique d'un jeu, son intérêt, voire même d'influencer les canons propres à une bonne réussite commerciale.

 

  Le joueur serait alors le point de départ de tout si l'on y réfléchit. Nous pouvons influencer cette relation trilatérale et lui permettre de prendre le bon chemin,

  Le jeu vidéo à une âme, qui mériterait d'être sublimée et c'est à nous joueurs de continuer à faire entendre notre voix , de mettre de nous même dans notre passion.

 

  C'est d'ailleurs parce que le jeu vidéo a un âme, qu'il pourra élever la notre, et inversement.

 

« Je suis le maître de mon destin, je suis le capitaine de mon âme »  Henley