En résumé :

Depuis sa création en 1972 par un ingénieur Américain qui "trouvait fun de pouvoir jouer à des jeux sur un écran de télévision" (Voir "Videogames: In the Beginning by Ralph H. Baer" pour de plus amples détails), le jeu vidéo a subi une évolution rapide. En effet, considéré à l'origine comme un simple jouet high-tech à même de divertir les plus jeunes, ce dernier tend de plus en plus à être considéré comme un média au même titre que le cinéma, la télévision etc.

Ralph H. Baer et sa console Odyssey, produite en 1972 par la société Magnavox.

Après seulement quatre décennies, le média vidéo-ludique arrive aujourd'hui à un tournant de son existence où semblent se confronter deux visions antagoniques : l'une centrée sur le scénario, l'autre sur le gameplay. C'est en lisant l'article "Le gameplay est-il un archaïsme ?" , qui exprime assez clairement la force de cette opposition, que je me suis posé la question suivante : Doit-on vraiment choisir entre l'aspect ludique et l'aspect narratif dans la conception d'un bon jeu ?

Un jeu vidéo, c'est quoi ?

« Un jeu vidéo est un jeu électronique impliquant une interaction humaine avec une interface utilisateur afin de générer un retour visuel sur un dispositif vidéo. Le joueur de jeu vidéo dispose de périphériques pour agir sur le jeu et percevoir les conséquences de ses actes sur l'environnement virtuel ».

Cette définition simple tiré du site wikipedia a le mérite de ne laisser aucune ambiguïté quant à la nature du média vidéo-ludique qui se voit réduit à sa plus simple expression d'interface virtuelle, exit les scénarios et autres considérations cinématographiques et place au gameplay brut. J'entends d'ici les éternels partisans du « c'était mieux avant » applaudir, rêvant de jeux ultra rigoureux où la différence entre échec et réussite se joue au pixel près et s'appuie souvent sur un système punitif de die and retry, faisant des discours dithyrambiques sur la beauté de graphismes (très) minimalistes qui savent laisser la part belle à l'imagination du joueur etc... Mais bien que cette définition soit exacte sur le plan technique, elle ne tient cependant pas compte de l'évolution qu'a subit ce média au cours des dernières années : En effet, bien plus qu'un système de jeux testant les compétences, c'est l'évasion ou tout du moins l'accès à un imaginaire que recherchent aujourd'hui bon nombre de joueurs.

La preuve que le scénario d'un bon jeu peut tenir sur une ligne.

Créer un univers

L'accès à un imaginaire dans le jeux-vidéo passe par la mise en place d'un scénario plus ou moins détaillé, servant à guider le joueur dans sa progression dans l'histoire, ou tout du moins à lui fixer des objectifs à atteindre (sauver la princesse, défoncer les vilains aliens...) . Le phénomène n'est pas nouveau et on voyait déjà dans les années 1980 bon nombre de RPG proposer des trames narratives plus ou moins inspirées et, il faut le dire, souvent répétitives. A cette narration s'ajoute l'univers visuel qui constituera une partie importante de l'identité du jeu.

On note toutefois dans ces deux domaines une récurrence entre bon nombre de jeux (surtout les anciens il faut l'admettre). Bien qu'elle puisse s'expliquer par les limitations techniques de l'époque, cette redondance, tant elle devient systématique, est à l'origine de clichés du type « le héros de 13 ans est l'élu d'une prophétie millénaire et va sauver le monde » que l'on peut retrouver dans La longue liste des RPG sur console, et dont certains perdurent jusqu'à nos jours.

Une question de compromis

Pour en revenir à la définition qui sert de base à ma réflexion je pense qu'il est important de préciser un point : Bien que le jeu vidéo soit considéré comme une interface physique avec un univers virtuel, il n'est précisé nul part que ces derniers soient incompatibles avec la mise en place d'une histoire. Je m'explique, sans pour autant prendre le pas sur le gameplay, qui constitue la partie centrale de tout jeux-video, l'histoire doit bonifier ce dernier et dans les meilleurs cas justifier la mise en place de certains éléments propres au gameplay du jeu ex : Dans Dishonored les pouvoirs mystiques de Corvo introduisent l'existence de ''The Outsider'' et contribuent ainsi à la richesse de l'univers, dans Bioshock Infinite les pouvoirs d'Elizabeth sont un élément du gameplay et tiennent une place centrale dans la narration, dans The Whitcher le joueur est mit face à un éventail de choix (gameplay) soutenus par une trame narrative riche.

La combinaison harmonieuse d'un gameplay efficace et d'une histoire bien menée

Qu'on ne s'y trompe toutefois pas, cette démarche est plus évidente à mettre en place dans certains types de jeux et on ne demande pas à un Street Fighter de nous fournir une réflexion introspective sur la nature du bien et du mal (quoique...). Cette règle n'étant là encore pas absolue, certaines perles à l'image de Shenmue réussissent l'exploit de combiner un scénario de qualité et un univers vaste à des mécaniques efficaces issues des jeux de combat.

L'exception qui confirme la règle

Un contre exemple de gameplay archaîque qu'on pensait dépassé (point and click) mais qui donne pourtant lieu à des jeux de grandes qualité nous est offert par les studios Telltale games avec The Walking Dead et plus récemment The Wolf Among Us. Dans ces deux exemples le joueur est placé au coeur d'une intrigue prenante qui sait même faire pardonner les imperfections de gameplay (on retient la maniabilité approximative de Lee).

Pas le temps de réfléchir, un réponse honnête s'impose

Même s'il semble moins essentiel au jeu vidéo que le gameplay, le scénario constitue toutefois un point clé dans l'évolution qui a mené la production vidéo-ludique au rang de média, et qui pourrait lui permettre de gagner en maturité s'il était mieux exploité. Bien que l'expérience vidéo-ludique ait avant tout vocation à divertir sans pour autant virer dans le film interactif, cette dernière n'est en rien vouée à l'immaturité qui semble encore trop souvent lui coller à la peau.