Avant Propos.

Ayant fait l'acquisition de Dead Space 3 récemment en raison d'une réduction de prix très attractive, je me suis dit qu'après tout, ayant terminé les deux premiers opus, il pourrait être sympa d'enchaîner sur le troisième volet histoire de voir ce que le dernier né des studios Visceral Games a dans le bide (haha). Je ne m'étais pas pétri de grandes attentes à son sujet, car je n'avais hélas que trop anticipé l'orientation tout action de la saga au détriment de l'ambiance, et dont le deuxième épisode, déjà bardé d'effets pyrotechniques en tout genre, m'avait quelque peu laissé sur ma faim.

Arrivé à mi parcours (grosso modo) sans avoir ressenti à aucun moment le moindre soupçon d'effroi, j'ai décidé d'en rester là, de ne pas aller plus loin, tristement convaincu que la licence venait de grossir le rang (déjà nombreux) des survivals horrors totalement dénaturés de leur identité originelle. Voulant garder une image un tant soi peu correcte de la série, je laisse tomber l'aventure, de toute manière bien trop orientée action à mon goût.

Je faisait pourtant parti de ceux qui ont cru, à la sortie du premier épisode en 2008, à un renouveau du survival horror, à un retour en force d'un genre quelque peu tombé en désuétude dans la deuxième moitié des années 2000. Reprenant le système de vue à la troisième personne de RE4, la bête avait tout de même quelques arguments pour me séduire : Une ambiance oppressante à la Alien à couper le souffle, des nécromorphes inspirés par les plus grandes horreurs du septième art, et une atmosphère étouffante sertie d'une mise en scène diablement efficace, digne des plus grandes gloires passées du genre. La preuve au passage, s'il en est, qu'il était possible de reprendre les codes de représentation de Resident Evil 4 et d'en faire quelque chose de véritablement effrayant, nettement plus orienté sur l'atmosphère que l'action.

Seulement voilà, Dead Space 2 (et surtout 3) furent à Dead Space ce qu'Aliens fut à Alien : un cocktail distillé action dont on aurait retiré quasiment toute la substantifique moelle ; l'ambiance. L'ambiance, oui, encore et toujours. Ce mot revient sans cesse dans mon esprit et dans ces lignes, mais c'est justement parce que selon moi, son retrait de la quasi majorité des titres vaguement horrifiques de cette génération est assez représentatif du malaise que traverse le genre.

Comment éprouver de la peur en mode coop ?

Je me faisait la réflexion suivante il y a peu, suite à ma quête éternelle de frissons vécus à une autre époque : Depuis quand n'ai-je pas viscéralement ressenti une trouille bleue dans un jeu vidéo ? Quel jeu de cette génération m'aura fait friser la crise cardiaque, lâcher le pad ou encore éteindre la console à la hâte en espérant pouvoir passer une nuit sans trop de cauchemars ?

La réponse est simple : Aucun.

Vous me direz peut être que j'ai grandi, j'ai évolué et que mes attentes d'alors n'ont plus grand chose à voir avec celles du jeune adulte que j'étais au début des années 2000. Il y a peut être un peu de cela, je le confesse volontiers. Mais je ne pense pas me tromper en estimant que le problème ne vient pas que de moi, mais d'une profonde mutation du genre en quelque chose de bizarre, de presque inqualifiable... d'insatisfaisant en tout cas.

Certes, le survival horror n'a pas totalement déserté nos machines modernes, et on trouve encore quelques fiers représentants du genre par ci par là, tel que Dead Space (le premier), Amnesia : The Dark Descent, Slender The Arrival..., mais en ce qui me concerne, le constat est là : Les jeux vidéos d'horreur ne me font plus aussi peur qu'avant, si ce n'est plus peur du tout pour la plupart. La faute, sans doute, à des systèmes de jeu qui ne mettent plus forcément en valeur ce qui pouvait la force de ce genre il y à quelques années, à savoir pêle-mêle la peur psychologique, le sentiment d'abandon, l'isolement, la peur viscérale du noir, etc.

Un peu de sang neuf avec Amnesia, The Dark Descent.

La fin d'une époque.

Comment éprouver un sentiment de profond malaise lorsque l'on dispose d'un arsenal de guerre ultra sophistiqué, avec option « munitions illimitées » ? Il est facile d'enfoncer des portes ouvertes en désignant comme coupable idéal Resident Evil 4 pour avoir été le catalyseur de cette nouvelle donne de la flippe, désormais plus orientée action/horreur qu'épouvante pure, mais il ne faut quand même pas le rendre responsable de la disparition de ce qui faisait jadis la force du genre. Le changement radical de la formule n'aurait pas été pour me déplaire s'il n'avait pas été le modèle unique et exclusifs des deux volets suivants, pales copies du renouveau que Mikami avant tenté d'inclure en 2004. C'est curieusement après le départ de ce dernier que la série à commencé sa descente aux enfers, ne livrant depuis que de simples TPS vaguement horrifiques, bourrins et sans âmes, aux trames narratives hautement nanardesques ! Le malheur dans tout ça, c'est qu'ayant été la figure de proue du navire survival, il a entraîné avec lui bon nombre de licences vers une mutation profonde de leur ADN, dont je me serait personnellement bien passé.

Resident Evil est devenu un T.P.S sans âme...

Silent Hill, l'autre grand nom de la frousse vidéo-ludique, n'est pas en reste depuis son Silent Hill : Homecoming, qui dénature complètement l'identité de départ de la série au point d'avoir quasiment signé l'arrêt de mort de cette mythique saga. Je ne parlerai même pas de Silent Hill : Book of Memories qui n'est qu'un spin-off bâclé et totalement irrespectueux de la mythologie dont il est inspiré. Malgré la récente tentative de Vatra Games de redonner quelques couleurs au visage blême de la série avec un Silent Hill Downpour très honnête, il faut bien reconnaître que les dernières itérations de la licence peinent à retrouver l'essence macabre faisant le sel de ses illustres prédécesseurs. Le départ d'Akira Yamaoka aura sans doute été l'une des raisons de ce coup d'arrêt brutal, marquant la fin d'une époque ou Silent Hill était synonyme de peur panique. De l'importance du sound design... mais l'exportation de la licence en dehors du territoire japonais aura sans doute été l'élément majeur condamnant la série à jamais.

Silent Hill n'est plus que le reflet déformé de lui même...

A qui la faute ?

Est-ce aussi la faute à une certaine habitude de joueur ? Aurais-je tellement goûté d'expériences étranges et glauques dans ma tendre adolescence qu'il ne me serait plus possible de ressentir le moindre frisson dans les productions horrifiques actuelles ? Il y a peut être un peu de cela, accordons donc à mon interrogation le bénéfice du doute.

N'empêche que quand même, j'ai la vive impression que les jeux à caractère horrifique d'aujourd'hui manquent drastiquement de caractère : Depuis la disparition des angles de caméra fixes et la sur-représentation de la focalisation « à l'épaule » type RE4, 5, et 6 , la peur semble avoir déserté les écrans. J'espère de tout cœur que The Evil Within ne nous donnera pas les moyens de nous battre, mais de foutre le camp ou de se cacher ! Les nouvelles formes de représentation à la première personne ont apporté beaucoup au genre - je pense notamment à Amnesia : The Dark Descent voire même Fear, mais j'ai l'impression que ces jeux deviennent rares... Le plus souvent, il faut passer par de petites expériences de la peur sur navigateur web comme Slender : The Eight Pagesou SCP-087 pour retrouver quelques frissons. Ici, l'effet de peur est conditionné par les rencontres aléatoires et fatales avec des fantômes dans les bois ou dans un escalier sans fin...sympathique, mais une fois l'effet de mise en scène usé jusqu'à la corde, qu'en reste-t-il ? Pour l'histoire, on repassera.

SCP-087, le simulateur de peur.

La question qui me taraude est donc la suivante : Faut-il compter sur la scène indépendante pour assurer la préservation de ce genre, qui semble de plus en plus boudé par les gros studios ? Je ne parle pas de jeux d'action/aventure vaguement horrifiques, qui sont légions (comme The Last of Us, Left 4 Dead, Dead Rising...), mais de jeux d'horreur purs, qui ne sont finalement plus si nombreux que cela.

Ou sont passés les Clock Tower, dont la principale mécanique de gameplay consistait à se cacher pour ne pas finir découpé en rondelles par le psychopathe scissorman ? Ou sont les Parasite Eve 1 et 2 qui mariaient à merveille horreur et RPG sans pour autant travestir la peur sur l'autel du changement ? Ou sont les Eternal Darkness, les Forbidden Siren, les Project Zero, les Haunting Ground...et tant d'autres soft loués pour leur subtilité de gameplay et leurs histoires terrifiantes, manquant cruellement à l'appel aujourd'hui ? Si la liste était longue dans la première partie des années 2000, on peut aujourd'hui les compter sur les doigts de la main de Django Reinhardt !

A bon entendeur.