Quand je vois la communauté des joueurs enthousiaste à propos de Bioshock Infinite, je ne comprends pas. Ça m'est étranger. J'ai le souvenir d'avoir été comme ça vers 20 ans, impatient de voir la suite de Matrix par exemple, curieux des nouveautés et des originalités, mais je n'en ai que le souvenir. Le lien n'est plus. Je ne comprends plus celui que j'étais.

Bioshock Infinite, je le vois comme un énième. Un énième jeu pas différent d'un autre, un énième univers tellement jeu vidéo qu'il y a forcément des supers pouvoirs, un énième FPS, un énième tout ce que vous voudrez. Une énième promesse sincère d'un dev incompétent qui aboutira à un test de 1 étoile de la part de Pedrof (ou pas, je parle juste de ce que le jeu m'inspire). Je n'ai même pas envie de l'essayer.

De même aujourd'hui, je me demande comment j'ai pu trouver Matrix génial. Oui, génial. Le mot est fort, quoi. Aujourd'hui, je me dis qu'il y avait mieux à faire avec l'histoire de réalité virtuelle, et que voir des rayban faire du kung-fu en gravité lunaire, c'est divertissant mais vite gonflant.

David Cage

Et c'est là où David Cage a raison en disant qu'il n'y a pas de gamme de jeux pour adultes. Parce qu'au cinéma par exemple, il y a plein de films qui ne m'intéressent pas, ou qui ne sont pas faits pour moi. Avatar, Prometheus, etc., j'ai une curiosité pour ces films enthousiasmants, mais s'ils me déplaisent, ben ce n'est pas grave, parce qu'à côté y'a plein d'autres films qui me correspondent, ou disons qui ont plus de chances de me correspondre. J'ai le choix.

Mais dans le jeu vidéo, non. Il n'y a pas de jeux pour adultes (peut-être sur PC...). Quand je dis pour adultes, c'est pour l'adulte en nous, dans le sens où un adolescent peut lui aussi très bien être attiré par le jeu. Il y a des jeux qui essayent de l'être, comme les productions Rockstar, ou comme les jeux de David Cage, mais ils se viandent méchamment. On pourra citer The Walking Dead ou L.A. Noire, mais j'ai de sérieuses réserves sur leur gameplay.

Seulement, sur console de salon du moins, il n'y a plus non plus de jeux pour l'enfant qui est en nous, ou pour s'évader. Quand je regarde Ponyo ou Totoro, je retombe en enfance. Par contre, dans les jeux basés sur "des directions artistiques et des univers", comme Bioshock, Deus Ex Human Revolution, etc., c'est la méchante douche froide. Parce que Miyazaki sait ce qu'il fait, ce qu'il veut dire, comment il veut le communiquer (je ne suis pas certain d'ailleurs que Ponyo ou Totoro soient destinés aux enfants). Parce que Ken Levine et Eidos, c'est tout le contraire.

L'un, l'espace d'une à deux heures, me rend ma naïveté, l'autre compte beaucoup trop dessus. L'un est maître dans l'art de créer l'illusion, l'autre voudrait me faire croire que son assemblage de couloirs skinés années 50 constitue un univers. L'un privilégie le sens en puisant dans l'imaginaire et la folie douce visuelle, l'autre pense être original en laissant son imagination en roue libre, et profond en déblatérant des clichés d'un air sérieux.

Mes copains pas d'abord

Le jeu vidéo actuel me fait le vilain effet de la bande de potes qui n'a pas évolué, avec toujours les mêmes blagues, les mêmes références. Ce qui était tout à fait justifié à quinze ans devient assez pitoyable avec les crânes qui commencent à se dégarnir, le ventre qui s'arrondit, les rides qui commencent à apparaître.

Évidemment certains restent des grands enfants toute leur vie tout en évoluant sur le plan des responsabilités. Mais le jeu vidéo lui me fait l'effet de régresser de ce point de vue-là. Hier Lara Croft avait une tenue différente selon le climat des niveaux visités, bras et jambes à l'air dans la jungle poisseuse, gros manteau doublé dans les montagnes neigeuses.

Mais aujourd'hui cette conne dont on a pourtant mis l'aspect survie en avant ne pense pas à récupérer un manteau sur ses ennemis pour affronter les vents des hauteurs, ni même à se tailler des vêtements avec la peau animale. Des idées élémentaires que les devs essayaient d'incorporer pour favoriser l'immersion, et aussi soigner leur jeu dans le détail, sont aujourd'hui aux abonnés absents.

 

Pourtant, comme moi, le jeu vidéo n'a plus 20 ans. On pourrait alors se demander ; mais où sont passées tes ambitions d'hier ? Comment se fait-il que ton public vieillisse, que tes devs vieillissent, et que toi tu régresses ? Pourquoi hier Hitman est une licence froide et méthodique à l'image de son héros, et aujourd'hui un jeu vulgaire et de mauvais goût à l'image de... de quoi d'ailleurs ? Et de qui ?