Oui, RESIDENT EVIL 4 A TUE LE SURVIVAL HORROR...

Pourquoi ? Tout simplement car ce jeu, aussi excellent fût-il, a trahi l'héritage de ses ainés pour devenir un pur jeu d'action. Conforté dans sa philosophie par des critiques dithyrambiques, RE4 a révolutionné un genre, et posé les bases de bon nombre de jeux d'action d'aujourd'hui. Mais il a tourné le dos à la peur, la vraie, celle qui nous rendait les mains moites et accélérait notre rythme cardiaque au détour de Raccoon City. Les coupables les voici :

- Une maniabilité plus souple, répondant au doigt et à l'œil, permettant au joueur de totalement maîtriser ses mouvements.

- La surenchère d'ennemis, impliquant parallèlement une pléiade d'armes, de munitions et d'objets en tous genres. Personnellement, ouvrir des coffres et briser des caisses toutes les 10 secondes pour ramasser des babioles, ça me gave, ça me rend trop puissant, et ça détourne totalement mon attention de l'objectif premier : FLIPPER ! Dead Space en est un exemple flagrant : parcourir ce jeu revient au final à aller de casier en casier, une progression rythmée et guidée par les objets à ramasser. Barbant.

- Un certain changement dans les mentalités, les joueurs étant aujourd'hui moins tolérants à la frustration, moins enclins à galérer comme des malades à éliminer du zombie au couteau par manque de munitions... Aujourd'hui, ça blaste, ça canarde, ça grenade, ça recharge... puis rebelote. Après tout, c'est plus fun comme ça... c'est plus facile.

Pouquoi ne suis-je plus capable d'avoir peur devant ma console ?

Peut-être parce qu'avec 10 années de plus, mon seuil de tolérance a beaucoup augmenté. Mais aussi, et surtout car je ne me sens plus vulnérable. A l'époque où la jouabilité était rigide, zigzaguer entre les zombies me faisait transpirer, et je mouillais mon pantalon lorsqu'un bondissant Hunter me fonçait dessus... A l'époque où les munitions étaient comptées, j'hésitais à deux fois avant d'actionner mon modeste pétard à 6 coups. A l'époque où les monstres n'attaquaient pas par vagues bien définies, je me méfiais à chaque nouveau couloir, progressant pas à pas, en retenant mon souffle avant d'ouvrir une porte... J'étais seul, et je pouvais crever à tout moment. Car c'est bien cette notion de danger permanent qui manque cruellement aux Survival d'aujourd'hui. Souvenez-vous du choc que fut le premier Silent Hill. On avait beau pester contre la jouabilité poussive, les caméras capricieuses et les graphismes sommaires, n'empêche, ce jeu m'aura fait vivre mes "pires" moments de frousse videoludiques !

Une nouvelle preuve de la déchéance du Survival réside dans la nouvelle orientation de ses titres emblématiques.
Le récent Silent Hill Homecoming aura ainsi choisi d'injecter une dose de Gears of War dans son gameplay, affirmant sans honte le choix d'un titre résolument tourné vers l'action (la barre de vie est présente à l'écran !). Quand on connait la qualité de ses prédécesseurs, comment ne pas crier au scandale ?

Le prétendu "roi du Survival Horror" continuera quant à lui son chemin en mars 2009 dans un cinquième épisode qui, je n'en doute pas, sera efficace, bien calibré, carré. Il sera beau, jouable, et acclamé de tous. Mais il ne fera pas peur pour une simple et bonne raison : la Coopération. Finie la solitude, on progressera... en tandem. Une hérésie pour un jeu qui semble avoir retourné définitivement sa veste...

Mais tout espoir n'est pas perdu. Certains titres ont su conserver cette précieuse recette. Je pense notamment à la série des "Zero" ou à "Siren". Des titres perfectibles, difficiles, où la frustration n'est jamais loin, mais d'authentiques Survival Horror qui boostent le trouillomètre.

Il ne suffit pas de mettre en scène des zombies ou des monstres pour se prétendre Survival Horror.

C'est un genre casse-gueule, dont la réussite est sujette au ressenti profond de chacun, à son humanité. Tout comme elle, un Survival n'est jamais aussi efficace que lorsqu'il est perfectible : jouabilité imparfaite, graphismes "abîmés", scénarios cryptiques. A ce titre, "Silent Hill 2" reste pour moi la référence absolue, tant il conjugue parfaitement les imperfections du premier tout en transcendant ses qualités. Une œuvre d'art qui vous terrorise autant qu'elle touche au cœur et laisse une trace indélébile des années après sa sortie !

Et en ces temps où l'accessibilité, la jouabilité et les textures chiadées sont des vertus que l'on encense, le genre du Survival/ Horror se débat comme il peut, et la peur continue de fuir inexorablement. Au risque de passer (encore) pour un vieux con, à y repenser, "c'était mieux avant".