Pour moi la violence, c'est quelque chose qui m'agresse. Et dans le domaine artistique, c'est pareil, une représentation de la violence, c'est une représentation qui m'agresse. Lorsque Edward Norton explose la dents d'un Noir contre le bord du trottoir dans American History X, c'est suggéré. On ne voit en fait quasi-rien. Et bordel que ça m'agresse. Quand John MacClane tue 150 terroristes, ça ne m'agresse pas une seule seconde.

Pour moi Die Hard n'est pas un film violent, c'est du divertissement. Même les enfants savent à partir d'un certain âge que c'est un film d'action qu'on regarde pour se détendre et se faire plaisir. Nier cette réalité, que le spectateur voit Die Hard comme une pure fiction, et dire que cette série participe à banaliser la violence, ce serait juste hypocrite ou débile.

Par contre Apocalypse Now banalise la violence, sans le vouloir. Full Metal Jacket aussi. Des gens s'engagent dans l'armée à cause de ces films-là. Il y a un profond problème de perception de la part d'un public qui ne voit QUE dse images. Ainsi La Chevauchée des Valkyries, un passage absolument épouvantable, devient une scène "culte" pour tout un tas de jeunes gens, et de moins jeunes. Problème de perception qu'on retrouve dans Far Cry 3, où le jeu reprend le thème et l'hélicoptère pour nous faire "vivre la scène".

Sauf que non... Il manque un ingrédient de taille. Dans Apocalypse Now, ce n'est pas censé être fun.

Des gens s'engagent dans l'armée en se gorgeant de films anti-militaristes. Et vous savez quoi ? L'armée les utilise aussi. Au Québec, quand sort un Fast and Furious, la police surveille la sortie des cinémas, car ces soirs-là les jeunes imbéciles accros à la vitesse sont d'autant plus chauds pour battre des records... de l'imbécilité.

Cela veut dire en somme que Fast and Furious, un film de beaufs avec des machos criminels vachement cool et de belles gonzes toujours à moitié à poil et disponibles, le tout sans aucun second degré, est aussi nocif à sa manière qu'un Full Metal Jacket qui dans un premier temps décortique les mécaniques du bouc émissaire et de la déshumanisation, pour ensuite parler de désinformation, et finir sur une scène où la violence de la guerre est complètement remise en question. Tu crois tuer des ennemis mauvais et pervers ? Le dernier que tu rencontres risque de te déplaire !

Un film à l'idéologie puante est aussi nocif qu'un film réalisé par un grand artiste. Parce que ce ne sont que des images pour bien des gens. Au lieu de voir ce qui est montré, ils fantasment dessus. Ainsi, le Tony Montana de Scarface, une ordure violente et macho qui finit par crever comme un chien, est un "modèle de réussite" pour un Puff Daddy. Des gens sont devenus trader en prenant Gordon Gecko du film Wall Street comme modèle, qui est, clairement, un salopard.

Je ne dis pas que ces artistes sont responsables, je parle bien d'un problème de perception. Car ces films-là nous dévoilent la face cachée des choses. encore faut-il être réceptif...

Les jeux ne sont pas assez violents

Les jeux au contraire simulent. Idéalement, mais en réalité ce n'est quasi-jamais le cas, ils nous impliquent.

S'il y a bien un média culturel qui pourrait parler de la violence, et d'une manière où même les veaux parviendraient à capter le message, c'est le jeu vidéo. Malheureusement, le jeu vidéo reste dans le domaine du divertissement, et le pire du genre. Plus c'est violent, et plus c'est fun. À force on s'y habitue, alors il faut des doses plus fortes jusqu'à l'abrutissement.

Certains font mine de réfléchir à la violence comme Spec Ops The Line et Far Cry 3, mais en passant leur temps à rendre cette violence gratifiante. Spec Ops affiche en permanence des barres de scores. Je suis à un tiers d'être un as du pistolet-mitrailleur ! Dans Far Cry 3 c'est carrément l'orgie avec XP à la clé et équipement toujours plus destructeur.

Ce qui me débecte dans ces deux jeux-là, c'est de vouloir jouer sur les deux tableaux, celui de la violence sans signification, juste pour le fun, et gratifiante, mais avec derrière la prétention d'amener une réflexion. Comme si Full Metal Jacket avait les scènes d'action d'un Die Hard. Plus débectant encore, ces jeux-là ne parlent pas de la violence, pas de celle qui se déroule dans le monde, non non, mais de celle du joueur ! Comment ça ? Je te propose un jeu violent, et tu y joues et tu aimes ça en plus ?

Nous là-dedans, on n'a rien fait, on élimine des polygones, et nous voilà le sujet d'une expérience bizarre où l'on serait violent sans le savoir ! Je me confesse Seigneur de toute cette violence abstraite, oui j'ai fait de nombreuses victimes virtuelles dans des univers qui n'existent pas... Pour me faire pardonner je vais jouer à Mario Bros et sans écraser les tortues (en voie de disparition, ne l'oublions pas !)

Le fun, le fun à tout prix est le credo de l'industrie. Pourtant cinq minutes de réflexion leur permettrait de comprendre qu'on joue rarement à un jeu pour le fun. Silent Hill ce n'est pas fun, et généralement aucun survival-horror ne l'est, ou alors il s'est méchamment viandé. The Walking Dead ce n'est pas fun. Gran Turismo non plus. Les J-RPGs non plus, ni les Tacticals, ni les STR, ni les BTA.

On ne prend pas de plaisir que de l'amusement. Blood Money n'est pas fun, le plaisir vient de la planification. Et lorsqu'on lâche un grand sourire parce qu'on a explosé son score dans un défi de Batman, est-ce du fun ? Ou plus simplement le plaisir du dépassement de soi ?

Si vous y réfléchissez par vous-mêmes, combien de fois jouez-vous pour le fun ? Les barres de rire ? La jubilation ? Même quand je jouais à Smash Bro, avant le fun, il y avait la compétition.

Pour moi les jeux ne sont pas assez violents. Ils n'explorent pas cette violence, ils ne font que l'utiliser pour créer du fun, qui devient de moins en moins fun, et de plus en plus de la débilité crasse. Je ne dis pas que les jeux doivent devenir dégueulasses, mais juste un exemple :

Dans Ghost Recon Future Soldier, une mission se passe dans un camp de réfugiés en Afrique. Nous on passe entre des tentes, on tue des "méchants". C'est tout. Savez-vous ce que c'est un camp de réfugiés ? L'enfer sur Terre. Les gens fuient une guerre, se retrouvent dans un camp, et là l'horreur continue. Les gardiens du camp frappent les hommes, violent femmes et enfants qui attrapent le sida, et se partagent les colis humanitaires en laissant crever les gens qu'ils devraient garder et défendre.

Dans Ghost Recon, c'est juste un terrain de jeu. On voit un méchant gifler une femme. C'est tout. Face à ce qui s'y déroule vraiment, on peut dire que sur le coup, Ubisoft a le sens de l'euphémisme.

Les devs et les éditeurs décident pour nous que les joueurs, ces gros débiles, veulent juste du fun et de la violence, mais pas de la vraie violence, pas celle qui interpelle, et qui transformerait un jeu en expérience artistique. Non, de la violence fun, avec des têtes en gros plan qui explosent, des membres tranchés, même dans des licences où avant ce n'était pas le cas (coucou Hitman Absolution !).

Seulement les joueurs ne sont pas des gros débiles. Les joueurs, c'est 8.5 millions de The Walking Dead vendus. Les joueurs, avant cette gen minable, ils jouaient à Splinter Cell, Final Fantasy, Ghost Recon (qui au moins n'abuse pas de la violence). Les joueurs sur cette gen achètent Mass Effect parce que ça raconte une histoire qui implique (ou essaye).

Évidemment les joueurs aiment aussi les divertissements, les God of War, Uncharted et Call of Duty. Mais de là à croire qu'ils ne recherchent que cela et qu'il faut en mettre partout, c'est un pas qui a été franchi sur cette gen par l'industrie, par l'industrie seulement. Quand elle croit être mature ou subversive avec sa violence de mauvais goût, elle insulte le potentiel du jeu vidéo tout autant que l'intelligence des joueurs. Albert Camus a écrit que l'art conteste le réel, mais ne se dérobe jamais à lui. À force d'exalter une violence fictive pour mieux fermer les yeux sur la vraie, à force de s'enfermer dans un autisme culturel, d'utiliser en guise de terrains de jeux des situations du quotidien dépouillées de leur vérité atroce, le jeu vidéo ne banalise pas la violence, d'aucune façon. Mais il mène comme la télévision une entreprise bien plus pernicieuse d'abrutissement des masses, dont il est la première victime.