Tuer de manière idiote et inconséquente

Dans Ghost Recon Future Soldier, où on incarne des militaires dont le métier consiste entre autres à tuer, parfois on peut passer un tableau discrètement avec le minimum de pertes, vu que le but c'est surtout la discrétion. Pareil dans Splinter Cell. Dans Uncharted, non seulement le but du héros n'est pas meurtrier, mais en plus on ne peut épargner personne, il faut éradiquer tout le monde à chaque fois. Ça coince sérieusement pour moi, de plus en plus. Nathan Drake, le gars sympa par excellence dans les cinématiques, pourrait être résumé par cette blague de Coluche :"C'est le gars, quand tu l'attaques pas, il cherche juste à se défendre". Car Nathan Drake répond rarement à une agression, la plupart du temps il la provoque. Une arène remplie d'ennemis ? Il fonce dedans. Mais lui au moins il sait pourquoi, il veut récupérer son trésor et ne laisse personne lui mettre des bâtons dans les roues.

Le pire c'est dans Spec Ops the Line. Au début je ne sais pas pourquoi je tue mais je fais confiance au jeu pour me l'expliquer plus tard, puis finalement j'apprends que mes personnages ne le savent pas non plus. En gros pour se désolidariser du jeu, il faudrait carrément arrêter d'y jouer. Bravo les potes, c'est ce que j'ai fait ! Mais moins parce que j'ai été empli de culpabilité d'avoir tuer des polygone innocents que parce que j'ai trouvé ça complètement idiot en plus d'être grossièrement manipulateur.

Dans certains jeux, la mort n'a aucun sens. On renverse des obstacles pour avancer, que ce soit dans l'optique ou non du héros. Des fois même le jeu me perd à me faire tuer des gens qui devraient rester en vie si le scénario était un tant soit peu logique. Dans Red Dead Redemption, John Marston se laisse manipuler comme un débile par un charlatan. C'est d'une part profondément agaçant vu qu'en tant que joueur, on sait qu'on ne peut pas faire confiance à ce personnage-là et qu'il n'y a rien à en tirer, et on attend aussi de John Marston, ancien bandit, une attitude virile de dur à cuire. Mais en plus de ne pas secouer le charlatan, il arrive une mission où on va buter des gens qui se sont fait arnaquer pour défendre ce personnage débile. En somme John préfère flinguer des types innocents que de foutre quelques baffes à un débile qui le manipule.

À ce moment-là, je me pose une question très sérieusement ; pourquoi est-ce que ces jeux se fatiguent à avoir un scénario ? Parce que là c'est clair ; ces scénario sont des scénarios de film porno, c'est-à-dire qu'ils ne servent strictement à rien, sinon à être un liant inutile entre deux phases de gameplay. Mais là où le film porno en est parfaitement conscient, le jeu vidéo lui y croit, à son histoire, sans jamais lui donner les moyens d'être cohérente, crédible et vraisemblable.

La mort est mon métier

Même si pas toujours, les jeux qui sont souvent les plus cohérents sont ceux où on exerce le métier de tuer, soit militairement soit professionnellement. Dans Killzone 2 et 3, on tue car c'est la guerre et en face il y a l'ennemi à abatttre. Pourquoi on le tue ? Qu'est-ce que cet ennemi a fait de mal ? C'est limite secondaire, le job du héros étant d'obéir aux ordres et d'atteindre des objectifs, et c'est encore mieux quand ils souffrent de l'absurdité de la situation. C'est le cas de ces Killzone où les enjeux sont moins clairs qu'il n'y paraît, mais dont on ne saisit presque rien parce qu'ils sont hors de notre portée. Nous, on tue. Le pourquoi ne nous regarde pas. Je ne pense pas que Killzone 2 et 3 soient loués pour leurs scénarios, et pourtant ils sont infiniment plus intelligents que ceux d'un Uncharted ou un Red Dead Redemption, puisqu'à la base ils sont cohérents.

Dans Splinter Cell c'est pareil. Le héros est un espion, les objectifs sont clairs et tout nous dit de tuer le moins possible. Certaines missions vont jusqu'à nous empêcher de tuer, ainsi même pour les bourrins comme moi, le jeu refuse à certains moments de tomber dans la facilité, tout simplement parce que le héros ne pouvant pas se le permettre dans les circonstances, le jeu ne le permet pas non plus au joueur. On a, là encore, un jeu d'une rare intelligence, bien qu'il fasse en réalité simplement preuve d'un bon sens élémentaire. C'est dire si le chemin vers la lumière va être long pour le jeu vidéo.

Dommage collatéral

Là où les jeux deviennent brillants à mes yeux, c'est lorsque tuer n'est plus gratifiant. Typiquement le cas de Kane and Lynch Dog Days, ce succès critique et maketing de la gen... Lorsqu'on place un headshot, le visage de la cible se "censure" via un tas de pixels. Ça fait une drôle d'impression. On est loin des gerbes de sang, de la tête qui éclate comme un feu d'artifice venant glorifier notre skill.

Et loin d'avoir des ragdolls superbes façon Killzone 2, les ennemis tombent platement et dans des positions parfois bizarrement réalistes. Durant les gunfights en pleine rue, il n'est pas toujours évident de faire la part des choses entre ennemis et innocents. Ce gars-là, c'est un civil agenouillé ? Le temps de me poser la question, il me tire dessus et j'ai ma réponse. Ce type menaçant qui court vers moi et que je truffe de quelques balles... je comprends un peu tard qu'il ne cherchait qu'à fuir.

On ne ressort pas de Dog Days en se sentant coupable d'avoir tuer des polygones, et ce jeu n'a aucunement la prétention idiote et malsaine de nous faire subir ça. Dog Days fait son boulot en essayant de simuler un TPS de crapules qui tirent dans le tas et qui, même si ce n'est pas leur intention, font des dégâts en butant accidentellement des civils. En somme il fait son boulot.

Dans Hitman Blood Money, c'est un peu pareil. On a une cible (ou plusieurs) à abattre, et le reste, ben ce sont des dommages collatéraux. Le jeu le fait très bien sentir sans jamais être explicite sur ce point. c'est tout simplement qu'on joue un tueur à gages, et pas un tueur de masse. Tueur à gages, aussi laid et sordide que ce soit, c'est un métier qui répond à des critères de qualité, dont la discrétion fait partie.

Ainsi, lorsqu'on a besoin d'un déguisement, on sera implicitement encouragé à assommer ou à endormir la victime plutôt que de la flinguer ou l'étrangler. Évidemment on peut aussi choisir la méthode sale, mais elle laisse une impression de travail cochonné. Comme dans Dog Days, il arrive aussi parfois qu'on tue des civils, mais ici pas par accident ; par réflexe panique. On est en train de faire un truc louche, genre se trouver dans un endrot où on ne devrait pas être, puis là une femme de ménage débarque et fige une seconde. Que fait-on ? Possiblement on lui fonce dessus pour la massacrer afin qu'elle ne puisse s'enfuir prévenir la sécurité, comme le ferait probablement un tueur à gages. Juste brillant.

C'est probablement parce que je vieillis, mais je commence à profondément me désolidariser des héros qui tuent sans motif. C'est parfois dommage quand le gameplay est bon, mais qu'il souffre des solutions de facilité du scénario ne cherchant que des prétextes à nous faire tuer des bonhommes, ou tout simplement quand ce gameplay n'a rien à voir avec l'histoire qu'on nous raconte. Le jeu vidéo permet entre autres de créer les circonstances nécessaires pour qu'on joue plus ou moins avec les mêmes motifs que le héros, qu'on réagisse comme lui ; c'est ce qu'on pourrait appeler une expérience. Mais lorsque le gameplay et le scénario ne sont pas en hamonie, lorsque l'un n'est que le prétexte de l'autre, on aboutit à des jeux qui au fond n'ont pas plus d'intérêt culturel et ludique qu'un film porno. Je pense qu'on peut dire la même chose lorsqu'on nous présente une situation visuellement réaliste, mais dont la solution repose sur des lois absurdes ; comme le fait que dans Hitman Absolution, on puisse être démasqué alors qu'on se trouve à 50 mètres d'un ennemi et qu'on lui tourne le dos. On a alors, comme souvent dans le jeu vidéo, un immense budget et des ressources humaines au service de la stupidité. Je pense que le jeu vidéo vaut bien mieux que ça, et que les joueurs méritent mieux également.

 

PS ; je tiens à signaler que j'aime beaucoup jouer à Uncharted, et que je trouve les Splinter Cell très chiants. En somme cet article est plus le reflet de mes opinions que de mes goûts personnels ou mes ressentis.