Du côté des joueurs

En ce moment j'essaye Grand Theft Auto San Andreas. D'un côté je trouve ça formidable de voir que les voitures ont des suspensions, et que l'animation des personnages durant les cinématiques est réussie. Mais pour tout dire j'ai du mal à m'y mettre car l'épisode 4 est plus beau et jouit d'une meilleure jouabilité. Pareil pour Blood Omen 2, le jeu début de gen PS2 est graphiquement assez simpliste et le contrôle du personnage assez archaïque. À côté de ça, je reste encore aujourd'hui ébahi par les graphismes de Resident Evil 4, la musculature super bien faite de Krauser, les visages détaillés des paysans, les jeux de lumière, voire carrément les boss. Pareil pour Metal Gear Solid 2 qui est encore très beau aujourd'hui malgré qu'il soit un jeu début de gen PS2, et qui reste tout à fait jouable si on prend le temps de se réacclimater aux contrôles, et qui pour moi n'est pas moins plaisant que Metal Gear Solid 4.

Il y a des jeux qui vieillissent bien autant sur la partie graphique que sur celle du gameplay, tandis que beaucoup d'autres jeux sont, du moins pour moi, inexorablement ternis par leur descendance, fût-elle soit directe ou non. Et c'est peut-être de là que nous vient régulièrement le goût de voir débarquer de nouveaux hardwares plus puissants ; l'espoir que cette fois-ci, on aura des jeux qui vieilliront mieux. Car on vient généralement à se lasser d'une gen, de ses graphismes, de ses gameplays, et je pense que cette lassitude ne vient pas des limites du hardware, pas seulement du moins, mais surtout des jeux en eux-mêmes. En ce moment, comme on en a marre des photocopies de Call of Duty et Gears of War, on se dit qu'une nouvelle gen va remédier à tout ça. Mais en fait ce qui va arriver, ce sont de nouvelles photocopies de nouvelles licences. Les jeux génériques perdurent d'une gen à l'autre.

Les joueurs ne sont pas aussi friands d'avancée technologique qu'ils le pensent. Je lisais hier que Walking Dead s'était vendu à plus d'un million d'exemplaires, alors que graphiquement c'est plus ou moins du jeu PS2, tandis que la Wii a eu un succès monstre. De plus beaux graphismes, avec des animations plus naturelles et des décors plus grands, ça fait toujours de l'effet. Mais un vrai beau jeu, peu importe le hardware, depuis la PS2 c'est beau ; une image propre, des personnages bien modélisés, une attention aux animations. Sinon pourquoi les jeux indés et portables se vendraient ?

La fuite en avant du jeu vidéo est d'autant plus frustrante que lorsqu'une gen arrive à maturité, que les devs savent tirer le meilleur du hardware, on recommence tout à zéro avec une nouvelle machine. Certes cela permet de donner un vrai coup de jeune et de partir sur de nouvelles bases. Seulement pourquoi cela se solde-t-il par l'abandon de la gen précédente quand elle pourrait jouir, dans une moindre mesure, des découvertes de la nouvelle génération ?

Du côté des devs

Le discours de certains devs qui consistent à dire qu'ils se sentent limités par la gen actuelle a tendance à m'agacer. Pourquoi alors certains travaillent-ils sur des jeux indés ou portables, encore plus limités niveau hardware ? Puis qu'est-ce que cela change au jeu final ?

Les vraies limites dans le jeu vidéo existent depuis toujours ; manque d'idées, de savoir-faire ou de talent, souvent les trois réunis. Des hardwares plus puissants permettent de faire plus de choses, oui. Seulement sur la gen actuelle, combien ont vraiment tiré parti des machines via le moteur physique ? Combien de héros ont des vêtements et des cheveux qui bougent ? Combien de jeux ont des décors destructibles ? God of War 1 et 2 ou Shadow of the Colossus étaient bien plus next-gen que bien des jeux sortis sur PS360. Shadow of the Colossus l'était même un peu trop.

Aujourd'hui nous sommes sur une gen qui d'après moi va très bien vieillir visuellement, c'est-à-dire que même lorsqu'un jeu est graphiquement moyen au regard du harware, il est souvent assez satisfaisant à l'oeil, ce qui n'était pas encore le cas sur la gen précédente. On peut faire de chouettes animations, de chouettes ragdoll. En somme, cette gen aurait idéalement pu permettre aux devs de relâcher la pression sur les graphismes pour se pencher un peu plus sur le gameplay.

Et c'est là où je me rends compte que paradoxalement le gameplay, qui est d'après moi la colonne vertébrale du jeu vidéo, est aussi régulièrement son point faible. À combien de vieux jeux je serais capable de rejouer avec un réel plaisir ? Combien y'a-t-il de jeux dont on dit du bien quand on les replace dans leur contexte, mais qui sont aujourd'hui imbuvables ? Évidemment on admettra que certains genres vieillissent plus facilement que d'autres, mais quand même. Je pense que certains joueurs, comme moi, ont du mal avec le rétro-gaming, non parce qu'ils sont technophiles, mais parce que les vrais bons jeux et les vrais beaux jeux sont rares, ceux qui ont conscience du hardware, des contrôles de la manette, et savent livrer un produit réussi dans les limites qui sont les siennes.

Sur cette gen on a au moins la beauté. Mais le gameplay ? Entre le recopiage des licences vendeuses, les FPS génériques, l'automatisation et le grand spectacle en QTE, où se trouve le travail sur le gameplay ? Et combien de genres ont disparu au profit du tout-action ? Une nouvelle gen ne garantit pas que tel studio de tocards va enfin savoir pondre un bon principe de jeu et un level-design intéressant.

Les devs se sentent limités à quel niveau ? Lair et Heavenly Sword affichaient des centaines de fantassins en début de gen, Stranglehold avec le moteur U3 avait des décors destructibles. Sur les jeux PS2 on trouvait des cheveux et des moteurs physique, les vêtements bougeaient dans l'intro de Snake eater. À quel niveau les devs se sentent limités sur PS360 ? Sérieusement ? Est-ce juste pour afficher plus de particules qu'ils veulent une nouvelle gen ? Pour placer des QTE dans des explosions encore plus grosses dans lesquelles on ne joue toujours pas ? Pour soigner davantage la mise en scène des couloirs scriptés, et pouvoir prendre encore moins de risques créatifs car ça va coûter encore plus cher ?

Autant jusqu'à la PS2 je pouvais comprendre et je partageais le désir de voir débarquer des nouvelles machines, car on sentait les limites visuelles et les approximations du gameplay ; autant aujourd'hui, alors que ces problèmes sont selon moi résolus, des problèmes plus grands et plus profonds sont mis au jour, des problèmes que l'avancée technologique ne résoudra pas, et qu'elle va possiblement aggraver.