Oui, une tendance trop peu remarquée par beaucoup : le TRAIN-TRAIN d'un jeu (aussi bon soit-il), qui démontre à tous les coups le manque d'ambition, ou du moins de remise en question des développeurs. Explications.

A noter que j'ai kiffé tous les jeux cités dans cet édito. Je ne remet pas du tout en cause leur qualité, j'essaie juste de soulever un débat de fond.

 

Une durée de vie est-elle forcément bonne sous prétexte qu'elle est longue ?

Depuis toujours, dans un jeu quel qu'il soit, on fait sans arrêt la même chose. Après y avoir appris les bases et les commandes, on ne fait finalement que les reproduire tout du long, avec des variantes selon les situations. Par exemple, dans un RPG japonais, on tue des monstres, on tue des monstres, on tue des monstres, pour gagner en XP, pour tuer des monstres, durant trente, cinquante, cent heures. Certains peuvent être addictifs, d'autres passionnants grâce à leur histoire, mais le constat est que nos actions restent, en tous les cas, toujours les mêmes. Xenoblade, le soi-disant messie du J-RPG, ne s'est toujours pas dépourvu de ces combats incessants. Je pourrais tout autant évoquer cette répétitivité dans des genres radicalement différents qu'il s'agisse du FPS, du Beat'em all, de la plate-forme, etc... Qu'ai-je fait dans Rage, prétendu revival du FPS profond ? J'ai tué des mutants pendant dix heures. Qu'ai-je adoré dans Bayonetta, le meilleur beat'em all de tous les temps ? J'ai tiré dans la tronche d'anges déchus avec sensualité pendant quarante heures (oui j'ai aimé le jeu). Et que me suis-je évertué à faire dans Donkey Kong Country Returns, le dernier vrai prétendant à la plate-forme pure de cette génération ? J'ai sauté lors des quinze heures de jeu.

Alors voilà où je veux en venir. Est-ce vraiment une qualité pour un jeu, d'être long ? Si on fait finalement la même chose du début à la fin, le parcours ne pourrait-il pas s'abréger en l'espace d'une, ou deux heures ? En quoi une durée de vie gonflée artificiellement est-elle appréciable ? On se plaint souvent que des jeux comme Uncharted ou Call of Duty soient trop courts, mais finalement, leur vrai problème, c'est leur prix. S'ils coûtaient une quinzaine d'euros, il n'y aurait rien à redire. Pour tout vous dire, je les trouve trop longs ces jeux. Car eux aussi ont une durée de vie gonflée faussement, bien qu'infime face à celle d'un RPG. Je rêve d'un jeu qui aille à l'essentiel, qui dise ce qu'il a à dire et qui ne me fasse pas perdre mon temps, point barre. Braid, Limbo, Flower me dîtes-vous ? Que nenni, ces derniers n'ont rien de plus, rien de moins que les autres en termes de durée de vie. De l'artificiel, encore une fois...

 

Le gameplay, une vaste blague

Je ne remercierai jamais assez David Cage de critiquer à juste titre le terme de "mécaniques de jeu" (même si Heavy Rain ne s'en sépare pas forcément). Car je pense que le fond du problème se trouve ici. Selon moi, le moment où tout se passe dans un jeu, c'est lors du didacticiel. S'apparentant en quelque sorte à l'apprentissage de la marche pour un enfant, c'est cet instant qui est censé être le plus passionnant puisque le plus constitué de découverte et donnant suite à notre vraie liberté (hélas, force est de constater que c'est souvent lors du didacticiel qu'on a le plus envie de se pendre tellement c'est gonflant). Les clés des mécaniques du jeu nous sont alors léguées et c'est seulement ensuite que l'on est laché dans la nature. Le jeu commence donc ? Et bien non, le jeu est fini ! Car tout le gameplay vu dans le didacticiel, c'est tout ce qu'on verra durant tout le jeu ! Le gameplay n'est en fait qu'une prison, il nous enferme dans un train-train qu'on va devoir se coltiner des heures durant... -Heureusement, la pillule de la répétitivité est parfois plus facile à digérer car justifiée scénaristiquement et narrativement. Catherine par exemple, assume totalement ce phénomène. Le héros Vincent doit revivre le même rêve chaque nuit et c'est à nous de l'aider à gravir sa "Tour de Babel" à chaque fois plus haut, par le biais d'un puzzle.- Ce qui me chagrine le plus, c'est que des mécaniques de jeu, des gameplays sont même devenus des genres à part entière. Les développeurs se sont mis à faire des dongeon-crawlers, des manic shooters en usant d'acquis historiques du jeu vidéo et sans même se remettre en question une seule seconde. Je salue donc au passage Fumito Ueda, mais aussi les multiples acteurs du jeu indé, car ce sont sans doute les plus enclins à inventer de nouveaux concepts.

 

Annihiler les limitations d'actions et de déplacements équivaudrait à se départir des mécaniques de jeu ?

Si la répétitivité est un phénomène étranger au monde du cinéma, c'est car le message que veut faire passer un réalisateur est plutôt maléable, ce qui est beaucoup moins le cas pour les jeux vidéo. Effectivement, un jeu nécessite d'être maîtrisé et dirigé par le joueur, il y aura donc obligatoirement des limites de fixées, des lois inhérentes au jeu-dit, des mécaniques pour pouvoir ainsi avancer et découvrir ce message. Certes, on aura déjà pu avoir l'impression de faire énormément de choses variées dans un GTA, Red Dead Redemption, un Elder Scrolls ou un Shenmue. Un GTA-like ou un simulateur de vie finalement. Mais cela n'aura fait que repousser les limites de mécaniques de jeu, les étendre pour moins les cerner. Mais elles sont toujours là.

Alors quoi ?

Prenons le jeu de mes rêves. Un jeu qui soit intense, qui dure deux heures, et qui, à aucun moment, ne fasse réitérer au joueur une action qu'il aurait déjà faite auparavant (non, pas une QTE !). Pour que ça se fasse : une solution. Pas de phase d'apprentissage, et un contrôle totalement naturel et intuitif du joueur. Kinect ? Peut-être. Le contrôle par la pensée ? Séduisant. Mais dans ce cas, je me demande bien comment réagirait le monde mis en place du jeu en question. Et serait-ce vraiment intéréssant en fin de compte ? A méditer. N'oublions pas que le bien nommé Kojima l'aura en quelque sorte déclaré : "La technologie guide le game design"...

 

Leobiwan