Le reflet : le Joker

Si l'on en croit The Killing Joke (qui d'autre ?), le Joker a "perdu" l'esprit suite à une tragédie personnelle. A la mort de ses parents, Bruce Wayne, lui, s'est réfugié dans l'objectivité, la rationnalité la plus extrême. Sa froideur, son côté inhumain sont d'ailleurs souvent la cause de frictions avec ses alliés, en particulier les plus idéalistes d'entre eux (qui a dit Superman ?). Pour Bruce Wayne, Batman doit être infaillible, incorruptible, dénué d'émotions. Une incarnation de la Justice, pas un homme masqué. Et aussi, plus ou moins consciemment, un être qui ne s'attache plus, et donc ne souffre plus. Même cause, mais effets diamétralement opposés : le Joker, face à la dureté du monde, en a conclu à son absurdité ; rien n'a de sens ni d'importance. Alors, amusons-nous ! Et peu importe les conséquences. Face à une Gotham pourrie jusqu'à la moelle, Batman tente par son action de donner du sens au monde, un monde où les "bons" sont protégés et les "méchants" punis, où le Bien et le Mal signifient quelque chose. Le Joker sait à quel point ces concepts sont illusoires, aléatoires, hasardeux. Malgré leurs caractères semblant indiquer le contraire (taciturne/exubérant), la lutte entre Batman et le Joker est bien celle entre l'Espoir et le Désespoir.

 

Le double : Double-Face

Lors de la lutte qui l'oppose aux familles mafieuses de Gotham (contée dans The Long Halloween), le procureur Harvey Dent, désespéré par la corruption du système et son "accident", fait finalement le même choix que Bruce Wayne : celui de combattre à sa façon, en dehors de toutes juridictions. Mais lui ne mord pas la ligne, il la franchit ; il exécute les "méchants". Double-Face incarne une dangereuse inclination du Chevalier Noir, celle de voir le monde en noir & blanc, avec des bons et des méchants identifiés. Mais qui est-il pour décider ? Personne, répond Double-Face ; seul le hasard est objectif, et donc digne de trancher, d'un simple jet de pièce.

 

L'écho : l'Epouvantail

L'apparence et le comportement nocturne de Batman tendent vers un seul but, instiller la peur chez ceux qui sont habitués à terroriser les honnêtes gens. Jonathan Crane, psychiatre devenu psychopathe, use des mêmes méthodes pour parvenir à ses fins criminelles. Des méthodes qui, dans ses mains, apparaissent déjà beaucoup plus discutables. La fin justifie-t-elle les moyens ? Mais dans l'optique de l'Epouvantail, ses propres fins sont bonnes. Et si Batman se trompait ? Si lui aussi était "fou" ?

 

La tentation : Ra's al Ghul

En se mettant au-dessus des lois, Batman décide seul du bien-fondé ses actions. Si son indépendance est à ses yeux garante d'intégrité, le fait de décider seul ce qui est juste ou non, sans laisser de place au doute, peut mener à la mégalomanie, à l'impression que les autres ne peuvent s'en sortir sans nous, que l'on sait ce qui est bon pour eux mieux qu'eux-mêmes : à Ra's al Ghul. Face à l'état dans lequel se trouve l'humanité, Ra's décide d'agir ; pas comme Batman, en tant que protecteur, mais comme chef. Pour notre propre bien, évidemment... Batman est-il déjà sur le chemin qui mène à la prise de mesures plus radicales pour combattre le crime (cf les accusations à son encontre dans The Dark Knight Returns)? Ra's semble le penser, puisqu'il l'a choisi comme héritier.

 

L'ennemi intime : le Pingouin

Le Batman des origines (armé de pistolets, si, si !) combattait le crime organisé, les braqueurs, les voyous ; pas des échappés de l'asile en costume fushia. C'est un banal criminel de bas-étage qui est à l'origine de la vocation de Bruce Wayne, pas un super-vilain. Le Pingouin, en combinant les deux (freaks & truand), permet à Batman de coller à ses intentions d'origine, de nettoyer des quartiers de Gotham plutôt que de sauver le monde depuis une base sur la lune.

 

Le compagnon de jeu : l'Homme-Mystère

C'est bien beau d'être le plus grand détective du monde, si ses seuls ennemis sont des robots extra-terrestres de 60 mètres de haut, ça ne sert pas à grand-chose. Heureusement, Batman a l'Homme-Mystère, l'ennemi le plus à même de faire ressortir cet aspect crucial du personnage, souvent laissé de côté par les diverses adaptations. Quant à dire si son obsession des mystères est moins saine que celle de Batman pour la "Vérité"...

 

L'autre voie : le Commissaire Gordon

A moins d'avoir déjà de sérieuses prédispositions (névroses ?), quand on décide de combattre le crime, on ne se déguise pas en Dracula, on rentre dans la police. Même si elle est aussi corrompue qu'à Gotham ? Oui, si on en croit Jim Gordon, qui parviendra à son sommet sans perdre son intégrité. Et si sa vie personnelle en patit, lui au moins en a une, de vie personnelle ! Une femme, des gosses, des amis... Et si le petit Bruce Wayne n'avait pas vu Zorro, ce fameux soir, mais Flic Story ?

 

L'idéal : Robin

Lui aussi, ses parents ont été assassinés sous ses yeux. Lui aussi, il combat le crime sous une fausse identité. Mais jamais Robin n'est devenu aussi inhumain que son mentor, aussi isolé, aussi sombre. Ses relations avec les autres super-héros sont bien plus cordiales, Robin parvenant tout simplement à faire confiance aux autres, ce dont le paranoïaque Batman est absolument incapable (lire JLA : Tower of Babel). Robin, qu'il soit Dick Grayson ou Tim Drake (par pitié, oublions Jason Todd !), est la preuve vivante que l'on peut combattre le crime à Gotham sans devenir aussi torturé que ses adversaires.