Introduction :
A chaque nouveau projet de J.J Abrams, les cinéphiles un tant soit peu fan du bonhomme y voit mystères et secrets bien gardés, devenant ainsi pour certains une espèce de chasse à celui qui trouvera ou décèlera le maximum d'info. C'est surtout depuis LOST et Cloverfield que le créateur et réalisateur arrive à cultiver comme personne LE mystère. Un gage de qualité proprement unique et surtout pratique, car personne où presque n'arrive à y voir l'ombre de quoi que ce soit avant de s'être installé confortablement dans son siège jusqu'au générique de fin. Cette faculté qu'a J.J Abrams pour cultiver son mystère lui permet aussi de gagner une confiance absolue auprès des producteurs avec lesquels il bosse, mais aussi du public. Là ou les studios mettent la pression sur les monteurs de bandes-annonces : « plus on en montre et plus on ramènera du public », Abrams, lui, prend le chemin inverse et préfère « gagner » son public en l'invitant à prendre totalement part à son Mystère, sans rien lui dévoiler ou presque. Avec SUPER 8, il est clair que l'association Abrams / Spielberg en a fait fantasmer plus d'un. Déjà, parce que les intentions premières de cette nouvelle association visent à rendre hommage aux films de genres (aventures, SF, fantastique) des années 80, mais c'est surtout que ce duo se trouve être parfaitement complémentaire. L'un s'occupe de cultiver le secret tandis que l'autre amène sa magie pour le dévoiler. Arrivé en gare, ça donne quoi ?

Abrams coincé sur l'île :
« Il manque quelque chose ». C'est un peu la première chose qui nous vient à l'esprit lorsqu'arrive le générique de fin (assez fun) de Super 8. La comparaison avec le cinéma de M.Night Shyamalan (véritable fils spirituel d'Hitchcock et de Steven Spielberg, LUI) est pour le coup assez évidente, car malgré tout l'amour que j'ai pour le créateur de LOST (étant fan de la série), cela me fait mal de le dire, mais le Monsieur n'est pas un conteur. Du moins pas encore au cinéma et reste pour le moment un excellent technicien jusqu'ici. Shyamalan doit surement être le dernier vrai conteur que le cinéma a connu. Il savait (avant qu'il ne se perde petit à petit) combiner habilement un vrai cinéma de genres (fantastique, SF, horrifique) avec des thématiques qui lui sont propres, mais il arrivait surtout par le biais de plans et de mise en scène simple de prime à bord, mais toute remplie de symboles, car extrêmement bien travaillé à rendre ses personnages et ses histoires uniques et magiques que les spectateurs finissaient par découvrir et « accepter » (ou pas) de manière crescendo. Abrams lui à besoin d'explosions, besoins que ça casse de partout et c'est justement là que la limite du réalisateur se fait ressentir. Là où Shyamalan n'avait besoin que de très peu d'effets spéciaux pour mettre en scène ses histoires, Abrams privilégie les effets graphiques, certes visuellement excellents, mais qui n'apportent rien à l'histoire qu'il veut nous conter. Pire, ces éléments n'apportent finalement aucune magie, laissant l'imaginaire du spectateur complètement bridé à l'image de la révélation du monstre. Même une fois la grosse bébête révélée, rien ne vient nous émerveiller comme si un vague sentiment de déjà-vu cruel se faisait ressentir. Le plus dommageable étant qu'Abrams « règle » la situation avec celle-ci en seulement 2 minutes. Car effectivement, ceux qui pensaient à un quelconque lien d'amitié à la E.T entre la créature et la bande de Joe Lamb resteront sur le carreau. Alors on se dit OK, la « pirouette » ou la clef du mystère n'est pas ici, alors on attend... Jusqu'à cette fin magnifique, mais hélas complètement tronqué. D'une part, parce qu'elle est trop courte et d'autre part parce qu'Abrams la symbolise avec un élément scénaristique qu'il a effectivement pris le soin de mettre en évidence, mais qu'il n'a (à mon sens) pas assez exploité. Pourtant, Dieu sait que cette fin est vraiment somptueuse, mais tout ceci est purement et simplement un problème d'écriture. Pourquoi le personnage du père de Joe interprété par (le génialissime Coach Taylor) Kyle Chandler se voit quasiment oublié en court de route ?
Cela dit, ne nous méprenons pas sur la sincérité de Super 8. La preuve d'amour de J.J Abrams pour Steven Spielberg et le cinéma d'antan est respecté et bien présente. Le film est vraiment loin d'être désagréable, se regarde sans déplaisir et fait même passer un bon moment. Cela dit, il n'apporte pas non plus une « plus value » au genre. L'attente n'est simplement pas à la hauteur du mystère qu'a une fois de plus mis en place Abrams autour et tout au long de son film.

Réalisation :
Sur le plan technique, SUPER 8 est irréprochable. Le fait d'avoir placé les aventures de Joe et sa bande dans les années 80 confère au film un vrai cachet. Même la photographie dirigée par Larry Fong (directeur photo attitré de Zack Snyder) nous rappel assez bien les mêmes couleurs et les mêmes teintes assez particulières des œuvres de Richard Donner, Spielberg, Zemeckis ou encore Joe Dante à cette même époque. La composition de Michael Giacchino est quant à elle tantôt sublime, tantôt très générique. En faite, on regrette tout simplement de ne pas entendre plus souvent le thème principal (assez joli) parsemé tout le long du film. Lorsque l'on sait de quoi ce compositeur est capable (surtout pour son travail colossal sur LOST), on ne peut se contenter de si peu.

Conclusion :
Le vrai problème de SUPER 8 n'est surement pas qu'Abrams puisse souffrir de la comparaison avec son producteur (même si elle sera inévitable pour certain, quoi qu'il arrive) : au contraire, on sent le réalisateur vraiment sincère et honnête, restant conscient qu'il n'y a « qu'un Steven Spielberg ». Non, le vrai problème de SUPER 8, c'est bien son scénario. Pourquoi le choix d'angle de départ pourtant assez explicite sur le deuil de cette famille n'est pas plus « superposé » sur l'histoire du monstre ? Car c'est bien le thème principal de SUPER 8 et le choix d'Abrams (faire au final passer l'histoire du monstre en second plan) et pourtant, à travers les événements que traverse le petit Joe durant tout le métrage, jamais rien ne vient enrichir et faire écho à cette thématique pourtant assez forte et palpable qu'on n'arrive jamais vraiment à toucher. L'introduction du film et sa fin doivent être les seules séquences les plus fortes émotionnellement, de même que les petites scènes intimistes assez touchantes entre Elle Fanning et Joel Courtney. Le réalisateur manque tout simplement le coche et le plus important, celui d'arriver à totalement nous faire « croire » et nous faire rêver à nouveau. A moins qu'une partie de nous même ne devienne trop vite adulte au fil des années ?

Par Vincent N.Van.