Episode 1   Episode 2

Nous sommes aujourd'hui le
06 juillet et je viens seulement de récupérer l'objet qui me manquait tant. Il
m'aura donc fallu deux mois pour faire l'acquisition d'un nouvel écran,
performance pitoyable s'il en est, et qui ramène mon niveau d'efficacité à
celui d'un conseiller Pôle Emploi sous Prozac. Pour ma défense, cette longue
période d'attente ne fut pas uniquement due à la combinaison fatale de ma forte
tendance à la procrastination et de mon alcoolisme mondain. De nombreux
éléments extérieurs et incontrôlables vinrent ralentir ma quête héroïque d'achat
de matériel audiovisuel.

La décision même du remplacement de notre défunte télévision
fut rapidement arrêtée par mon colocataire et moi-même. Nous avions alors
craqué pour un écran plasma Panasonic qui combinait prouesse technologique et
prix abordable. C'est plein d'entrain que je me mettais en relation avec la
Fédération Nationale d'Achats des Cadres et commandait l'objet de tous mes
désirs. Je recevais même avec bonheur la confirmation électronique de mon futur
découvert bancaire. Jusqu'ici donc, tout allait bien et le remplacement de ma
télévision s'annonçait rapide et efficace. C'était bien sûr sans compter sur le
problème majeur de la livraison. Ainsi, deux jours après ma commande, j'apprenais
la triste nouvelle : mon colis était prêt et allait m'être livré dans la
journée par Chronopost. Mon visage devint plus blanc qu'une fesse d'anglaise
après l'hiver londonien, mes sphincters se relâchèrent soudainement (rendant l'environnement
de travail de mes collègues insupportable) et tout le contenu de mon déjeuner
tenta de se déverser sur mon clavier. Je m'imaginais déjà recevoir un écran brisé,
livré dans un carton horriblement déformé.

Prenant mon courage à deux mains, j'essayais de joindre
Chronopost pour convenir d'un rendez-vous mais n'y parvenais évidemment pas. Pris
par mon travail, je ne réessayais pas et oubliais l'affaire.  Quelques heures plus tard je recevais un email
m'annonçant gaiement que mon colis avait bien été livré mais qu'étant absent
lors du passage du livreur, ma télévision avait été remise aux bons soins du bureau
de poste le plus proche. Mes pires cauchemars devenaient réalité.  C'est donc extrêmement inquiet que je me
rendais le midi suivant à la Poste pour chercher mon dû : un carton de 32 kilos troué à de
multiples endroits et ce bien sûr du côté de la dalle. C'est donc en appelant
intérieurement toutes les plaies divines à s'abattre sur la Poste que je
vérifiais l'intégrité de mon achat, déballant le carton devant une clientèle à
la fois curieuse et moqueuse. L'écran me paraissant en bon état je repartais,  mon colis posé sur un diable généreusement
prêté par la guichetière blonde décolorée de mon bureau de poste. Slalomant
entre des passants agacés et peu courtois, j'arrivais tant bien que mal à mon
appartement, suant par toutes mes pores, mon caleçon détrempé moulant
langoureusement mon sillon inter-fessier.

Je m'en repartais prestement finir ma journée de travail
pour mieux revenir le soir et enfin m'attaquer au montage de la bête. Après une
demi-heure de déballage et de vissage avide, j'étais enfin prêt à allumer ce
nouveau téléviseur et à retrouver tous mes plaisirs perdus (outre les plaisirs
de la chair et de la chère desquels je continuais de jouir entièrement). C'est
alors que le second drame se produisit. A peine allumé l'écran fit entendre un bruit
terrible, digne d'un Tupolev au décollage. Un grésillement de transformateur insupportable
et continu venait de gâcher mes joyeuses retrouvailles avec le Paysage
Audiovisuel Français. Mais, cette déception momentanée ne fut pas la pire
conséquence de cette nouvelle péripétie. La soudaine perspective de devoir renvoyer
la télévision, et donc d'avoir encore fois à Chronopost, me donnait une nausée
de tous les diables et une soudaine envie d'abattre des lémuriens à la
fourchette. Je m'engageais donc dans ce processus fastidieux : appel du
SAV de la FNAC, assassinat d'un premier lémuridé, prise de RDV avec Chronopost,
exécution sommaire de sa famille entière, chargement de la télévision dans le
camion du livreur sur mon temps de travail, holocauste de primates, commande du
nouveau téléviseur.

L'espoir qui renaquit par la confirmation de l'envoi d'un
nouveau téléviseur fut rapidement balayé lorsque j'appris que Chronopost avait de
nouveau été choisi pour nous livrer. Ces derniers choisissent miraculeusement
de passer un samedi matin, jour habituel de présence à l'appartement, pour nous
travailleurs ordinaires. Mais dans un souci de professionnalisme exacerbé, les
livreurs décidaient encore une fois de ne pas nous prévenir et ne pas prendre
la peine de sonner. Nous voilà donc repartis  récupérer la nouvelle télévision, la ramener,  la remonter et tout cela pour finalement se
rendre compte en l'allumant que le problème de grésillement n'était pas une
malfaçon mais bien un équipement de série gracieusement inclus par Panasonic dans
tous les plasmas de cette catégorie.

Après un court voyage à Madagascar visant à la destruction
du milieu naturel des lémuriens, nous démontons et remballons cette deuxième
télévision. Pour ne pas tenter nos penchants naturels pour le massacre d'animaux
mignons, mon colocataire et moi-même décidons de ramener nous même la
télévision au magasin FNAC et de ne plus compter sur les services express des
PTT. Après une demi-heure de marche avec un carton de 32 kilos, nous engageons
une discussion véhémente avec le responsable du SAV du magasin qui ne veut pas
reprendre le produit, celui-ci ayant été acheté en ligne. Il cède finalement,
intimidé par le regard de coyote fou de mon colocataire et procède au
remboursement intégral du téléviseur défectueux.    

Quelques peu échaudés, vous le comprendrez, par ces deux
expériences malheureuses, nous décidons de nous tourner vers de vrais magasins
spécialisés. C'est donc à Magma que nous nous rendîmes et fîmes l'acquisition d'une
superbe dalle LED Samsung dont les couleurs chatoyantes nous avaient
immédiatement envoûtés, telles le fessier ferme et rose de vie d'une naturiste suédoise
de vingt ans. Nous revînmes triomphants à notre appartement et branchâmes notre
bijou fraîchement acquis. L'allumage se déroula
cette fois-ci sans accrochages et la perfection de l'image déclencha en moi de
multiples éjaculations mentales répercutées physiquement par de grands cris de
joie (ressemblant étrangement à ceux d'un lémurien auquel on casse les pattes).
Notre première activité, celle que nous attendions depuis si longtemps, fut une
série d'affrontements bestiaux sur Mortal Kombat lors desquels chaque coup de
poing nous emplit d'une rage barbare et gratifiante, ire décuplé par les
gouttes de sang qui semblaient venir nous perler le visage par le truchement de
la conversion 2D/3D.

A vous lecteurs fidèles, qui avez suivi cette histoire
(oserais-je dire saga) depuis le début, je souhaiterais prodiguer humblement
quelques conseils tirés de cette douloureuse expérience. D'abord n'achetez
jamais de téléviseur Philips. Les marques asiatiques, plus fiables, ne vous laisserons
pas tomber le soir même où vous ramenez Mortal Kombat dans votre besace.
Conseil qui en découle : ne faites jamais confiance aux Hollandais.
Deuxième point, et pour le bien de l'humanité, brûlez tous les camions et
relais Chronopost que vous croisez, car il est clair qu'ils sont les principaux
responsables du sentiment de frustration qui grandit dans notre société. Enfin,
les lémuriens étant des animaux forts sympathiques et attachants, essayez de
passer vos nerfs sur des espèces moins utiles tels que les condylures étoilés
ou les Suisses. Je cauchemarde encore à la pensée de ces petits yeux implorant
la pitié et s'éteignant petit à petit sous l'effet de l'étranglement.
Chronopost, que m'as-tu fait ?