Et oui, quand on perd dans Chrono Cross, on n'est carrément plus jamais venu au monde...

 

Avant tout chose, précisons que cet article aborde les choses du point de vue JEU vidéo, au premier sens du terme, et non pas, à défaut d'autre terme, des oeuvres numériques à vocation plus narrative.

Il nous est tous arrivé au moins une fois de mourir bêtement après avoir passé des heures sans sauvegarder. Et là, le découragement à l'idée de se retaper des séquences entières, que l'on a encore bien en mémoire, peut être énorme. Comme s'il fallait, après avoir perdu sa page, recommencer son livre au début. Il m'est même arrivé de laisser passer plusieurs semaines avant de replonger dans le jeu incriminé. Les checkpoints trop distants, les sauvegardes limitées en nombre, les continus trop peu nombreux, oui, tout cela peut se révéler très pénible. Mais la peur de la mort, du Game Over, peut aussi apporter un vrai plus à un jeu lorsqu'elle est bien dosée.

Suite à un autre podcast (décidément), celui consacré à Michel Ancel, l'envie de rejouer à Rayman devint irrépressible. Et si j'avançais relativement bien dans les niveaux, à quel prix ! Mes vies disparaissaient vitesse grand V. Au lieu de jauger, d'observer patiemment, puis de prudemment me lancer, je filais à travers les niveaux, ça passe ou ça casse, et tant pis si ça casse. La mauvaise habitude prise avec les productions récentes plus souples influait sur ma façon de jouer, et donc de m'amuser. Pour m'en sortir, il a fallu me concentrer, être vraiment dans le jeu, pour une expérience au final plus intense, et meilleure. De même, très (trop) casse-cou dans Assassin's Creed II, dans lequel je me défenestrais allégrement, l'arrivée dans Brotherhood de missions où il ne faut pas perdre de vie oblige à calculer un peu mieux ses sauts, à prendre un peu plus son temps. Il en va de même avec les séquences où être repéré entraîne une désynchronisation immédiate. Là aussi, on obtient plus d'immersion, plus de "réalisme", mais aussi plus d'empathie pour notre avatar. Il n'y a qu'à voir l'attachement que l'on peut avoir, même si ce n'est souvent qu'après-coup, pour les quelques personnages de jeu vidéos qui meurent "pour de bon", comme dans Heavy Rain. Kojima parlait il y a quelques années de créer un jeu au Game Over définitif ; c'est de là que le jeu flash One Chance tire sa force.

L'attitude du joueur est importante, bien sûr, mais il faut aussi que le jeu sanctionne ce qui font plus ou moins n'importe quoi, que les erreurs aient un coût. A voir ensuite que ce coût ne soit pas rédhibitoire. Comme le faisait judicieusement remarquer Thierry Falcoz, on ne joue pas au poker de la même façon selon que l'on joue ou pas de l'argent, même s'il s'agit de centimes. L'épée de Damoclès du Game Over introduit la notion de risque. Or, peut-on réellement la dissocier de la notion de "jeu" ? Est-il possible de savourer sa victoire dans un jeu où l'on ne peut pas perdre ? A vaincre sans péril...